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Élections générales : la Commission électorale abandonne l’idée du «same day counting»

Le système actuel de dépouillement des votes sera de mise pour les élections générales à venir.
  • Une alternative « sécurisée » proposée

Le projet de dépouillement le jour même des élections (« same day counting ») est enterré. Du moins, en ce qui concerne les élections générales à venir. Le manque de consensus et les contraintes de personnel en ont eu raison. En revanche, une nouvelle proposition fait surface : conserver les urnes scellées dans les bureaux de vote toute la nuit pour un dépouillement le lendemain matin sur place. C’est ce qui ressort du rapport du bureau du Commissaire électoral, publié en septembre, à l’issue de ses consultations avec divers partis politiques et acteurs concernés. 

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Ainsi, si le « same day counting » a été expérimenté avec succès à Rodrigues lors des élections de 2022, ainsi que lors des villageoises en 2020, le défi s’avère plus complexe pour les élections générales. En plus de l’absence de consensus entre les diverses parties concernées, et la logistique que requiert un tel exercice, dont en matière de sécurité, la principale difficulté, selon le bureau du Commissaire électoral réside dans le manque de personnel. Il manquerait, en effet, environ 6 000 agents nécessaires pour assurer un décompte dans les délais souhaités. 

Face à ces enjeux, la Commission électorale a donc décidé de maintenir le système de dépouillement actuel, un système qui a fait ses preuves et qui garantit un niveau élevé de sécurité et de fiabilité. Cependant, une méthode de dépouillement des votes alternative pourrait être envisagée. Cette proposition consiste à conserver les urnes scellées dans les bureaux de vote pendant la nuit, puis à procéder au dépouillement le lendemain dans les mêmes locaux. D’autant qu’il s’avère que lors des consultations avec le commissaire électoral, la plupart des parties prenantes se sont montrées favorables à un système où il n’y a pas de transfert d’urnes des bureaux de vote aux centres de décompte après la fermeture du scrutin.

Ce système reposerait sur plusieurs principes clés : 

  • La sécurisation des urnes : celles-ci seraient conservées dans des locaux sécurisés, appelés « guard rooms », situés au sein même des bureaux de vote. Ces locaux seraient scellés pour garantir l’intégrité des bulletins de vote pendant la nuit.
  • Anonymat du vote : Afin de préserver l’anonymat des votants et prévenir toute manipulation, les bulletins de vote seraient mélangés avant le début du dépouillement.
  • Organisation du dépouillement : Le dépouillement serait organisé en plusieurs salles, dont le nombre dépendra du nombre de candidats. Chaque salle serait dédiée au dépouillement des voix pour un groupe spécifique de candidats.
  • Rôle des officiers désignés : Des officiers désignés (SPO) seraient chargés d’examiner les bulletins de vote dont la validité est douteuse.

Cependant, cette formule a suscité quelques inquiétudes de la part des partis politiques. Notamment au niveau de la transparence, en particulier si les candidats ne seraient pas en mesure d’assister au dépouillement dans chaque salle et contester les décisions des SPO, ce qui pourrait porter atteinte à la transparence du processus.

Des craintes ont aussi été soulevées quant à d’éventuelles erreurs d’appréciation de la part des SPO concernant la validité des bulletins, ce qui aurait un impact sur les résultats, surtout lorsque les écarts entre les candidats sont faibles.

Autre point soulevé : la sécurité des urnes ne serait pas totalement garantie. Actuellement, les 20 centres de décompte à Maurice et celui de Rodrigues sont sécurisés pendant la nuit par la police. Les « guard room » où les urnes scellées et les paquets scellés sont conservés pendant la nuit sont gardés par la Special Mobile Force. Selon le bureau du Commissaire électoral, toutes les fenêtres de la « guard room » sont scellées de l’intérieur, tandis que la porte est scellée en présence des candidats ou de leurs agents électoraux, qui apposent leur signature sur les bandes adhésives avec des caractéristiques de sécurité utilisées pour cet exercice. Or un décompte dans les bureaux de vote impliquerait au total 340 bureaux (à Maurice, Rodrigues et Agaléga). De ce fait, si une telle formule est adoptée, des mesures supplémentaires devront être prises, notamment en termes de personnel mobilisé, indique le bureau du Commissaire électoral.

Favoriser la transparence 

voteAfin de renforcer la confiance des électeurs dans l’intégrité du processus électoral, le bureau du Commissaire électoral propose quelques mesures. Notamment en termes de transport des urnes vers les centres de décompte. « Comme lors des précédents scrutins, les agents de transport désignés par les partis politiques et les candidats indépendants seront autorisés à accompagner les urnes dans les véhicules dédiés, aux côtés de policiers armés. Ce dispositif vise à permettre une surveillance continue des urnes tout au long du trajet », indique le rapport.

En sus d’une escorte policière complète, les noms des agents de transport devront être soumis au Special Presiding Officer (SPO) avant midi le jour du scrutin, une mesure qui remplace l’obligation actuelle de soumission une heure avant la fermeture des bureaux de vote. Les agents de transport recevront des badges remis par le SPO afin de pouvoir remplir leur mission.
La sécurité des urnes durant la nuit sera également renforcée dans les centres de décompte. En plus de la présence des officiers de la SMF, qui veillent à la garde des locaux, chaque parti politique ou candidat indépendant pourra désormais désigner jusqu’à quatre agents de nuit, contre deux précédemment. Ces agents auront la possibilité de surveiller les locaux à travers des fenêtres en verre, assurant ainsi un contrôle constant de l’espace de stockage des urnes. Des générateurs seront également installés dans chaque centre pour parer à toute coupure de courant, garantissant une surveillance ininterrompue.

Un registre détaillé sera aussi tenu. Celui-ci comprendra les horaires, les lieux et les personnes impliquées dans le transport et l’entreposage des urnes scellées. Les candidats et agents présents dans les centres de décompte seront également tenus de signer les registres après le scellement des locaux et à l’ouverture de ceux-ci le jour du décompte, afin de garantir qu’aucune manipulation n’a eu lieu durant la nuit.

Surveillance des urnes : un projet coûteux et complexe

Si l’idée d’équiper les 2 239 urnes de « trackers » GPS et d’installer des caméras de surveillance dans les salles de garde des centres de vote vise à renforcer la sécurité du processus électoral, elle soulève de nombreuses interrogations quant à sa faisabilité et à son coût. En effet, un tel projet représenterait un investissement colossal. Outre l’achat des équipements, il faudrait prendre en compte les coûts d’installation, de maintenance et de gestion des données. Les infrastructures nécessaires, comme les réseaux et l’alimentation électrique, nécessiteraient également des investissements importants. Par ailleurs, le recrutement et la formation du personnel chargé de surveiller ces systèmes représenteraient un coût supplémentaire non négligeable.

Des questions se posent aussi sur l’efficacité réelle d’une telle mesure. Les protocoles de sécurité actuels semblent déjà garantir un niveau de protection suffisant. Fermer les centres de comptage et confier la garde des salles à des agents de sécurité qualifiés semble être une mesure efficace.

Réactions

Patrick Belcourt (En Avant Moris) : «C’est dommage» 

patrick« C’est dommage. Il y avait une volonté de faire avancer les choses, mais le statu quo persiste à cause de nos limites à Maurice. J’espère qu’il n’y aura pas de doutes comme lors des dernières élections, car cela avait discrédité la commission. À un certain moment, certains élus ne savaient pas s’ils étaient légitimes ou non. Dans l’esprit des Mauriciens, il existe un grand doute, tant au niveau local qu’international. Cela a pollué nos tribunaux pendant des mois. Je souhaite que tout se déroule dans la transparence lors des prochaines élections afin que les électeurs comme les candidats se sentent sereins. »


Stefan Gua (Rezistans ek Alternativ) : «Il est sage de ne pas agir à la hâte» 

stefan« Il est sage de ne pas agir à la hâte. Lorsque le Commissaire électoral a appelé les formations politiques, le Writ pour l’élection partielle était déjà sorti. Cela aurait été inapproprié de présenter cette proposition. Nous sommes en faveur du dépouillement le même jour des élections. Des problèmes ont émergé aux dernières élections. Il faut améliorer le système, mais le changer là maintenant serait inapproprié. Le moment choisi n’est pas idéal. Cela pourrait créer une perception de manigance. Il y a aussi des problèmes logistiques. Si les fonctionnaires qui travaillent en journée font partie de l’équipe de comptage, ils seront fatigués. Cela augmentera le risque d’erreur. Ne précipitons pas les choses. Cela pourrait créer davantage de problèmes. Ce ne serait pas bon pour la démocratie. Il faut prendre le temps de faire les choses correctement une fois les élections passées. » 


Faizal Jeerooburkhan, observateur : «Il est temps que nous modernisions notre système» 

faizal« Adopter le comptage des votes le même jour serait un grand pas en avant en matière de crédibilité et d’efficacité. Ce système permettrait de réduire le risque de fraude électorale, limiterait le besoin de recomptages coûteux et diminuerait les conflits liés aux résultats. En agissant ainsi, nous rétablirions la confiance des citoyens dans le système et réduirions les coûts opérationnels des élections. La majorité des pays procède déjà au dépouillement des votes le même jour. Il est temps que Maurice modernise son propre système. Des avancées technologiques permettent de faciliter ce processus, notamment en évitant le transport des urnes, source potentielle de ‘tampering’. Le dépouillement pourrait se faire directement dans chaque centre de vote ou être regroupé par région, mais cela nécessiterait des ajustements logistiques à définir. La Commission électorale a invoqué un manque de personnel et l’absence de consensus comme obstacles. Je crois pourtant que des solutions existent, mais elles n’ont pas été sérieusement considérées. Il aurait été plus judicieux pour la commission de convoquer les responsables des partis politiques afin de discuter des propositions, en réfléchissant à des manières de minimiser le personnel nécessaire. En l’absence d’accord après ces discussions, il aurait été possible de reporter la décision. Passer par un tel processus aurait été plus efficace avant de prendre une décision définitive. »

 

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