
La prolifération des drogues de synthèse à Maurice inquiète de plus en plus. Des vidéos choquantes circulent, montrant des jeunes dans des états alarmants. Face à cette menace grandissante qui touche même le milieu scolaire, travailleurs sociaux et citoyens appellent à une mobilisation urgente pour éviter une génération à la dérive.
Depuis le début de l’année, des vidéos et des photos montrant des jeunes sous l’emprise de drogues de synthèse circulent massivement sur les réseaux sociaux, offrant des images choquantes qui interpellent.
Des jeunes, parfois en milieu scolaire, sont filmés dans des états de dégradation mentale et physique extrêmes, transformés en véritables « zombies ». Ces scènes posent une question urgente : jusqu’où cette consommation débridée de substances illicites va-t-elle mener la jeunesse mauricienne ?
Les drogues de synthèse, de plus en plus présentes sur le marché, semblent faire partie de cette spirale infernale. Ces substances puissantes, souvent méconnues du grand public, sont responsables de transformations spectaculaires et effrayantes de jeunes individus. Alors que l’île fait face à cette nouvelle menace, une interrogation se pose : d’où viennent ces drogues et comment ont-elles infiltré si profondément le milieu scolaire ?

« Une véritable zombification de notre jeunesse »
Ally Lazer, travailleur social engagé et fervent dénonciateur des « marchands de la mort », tire la sonnette d’alarme. En contact permanent avec des parents et des écoles, il témoigne d’une situation de plus en plus inquiétante.
« Ce que nous vivons aujourd’hui à Maurice est une véritable zombification de notre jeunesse. Des jeunes tombent dans un piège dont ils ne se relèvent pas. Ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes », dénonce-t-il.
L’infiltration des drogues dans le milieu scolaire est particulièrement préoccupante. Des adolescents, parfois même des collégiens, se retrouvent aujourd’hui à consommer des substances qui altèrent gravement leur perception de la réalité. L’usage de drogues comme le « crystal meth » et l’ecstasy se répand, soutenu par un marché noir dont la discrétion semble en faire une menace insidieuse et difficile à contrer.
Un accès trop facile aux drogues de synthèse
Dans cette ambiance inquiétante, les parents sont désemparés, certains ne reconnaissant plus leurs enfants, pris au piège d’une dépendance difficile à combattre. Les écoles, quant à elles, se retrouvent dans une situation de vulnérabilité, ne sachant comment réagir face à cette crise sanitaire et sociale.
Le rôle des autorités et des acteurs sociaux est désormais crucial pour contrer cette menace grandissante. Ally Lazer insiste sur la nécessité d’un engagement collectif : « Il est temps que Maurice se réveille.
Les jeunes ne peuvent plus être laissés pour compte dans ce combat contre la drogue. Les écoles, les parents, les institutions publiques doivent agir ensemble. Aujourd’hui, avec seulement Rs 50, on peut facilement se procurer de la drogue synthétique. Elle procure une euphorie intense, mais de courte durée. Et c’est là que commence l’addiction et le cercle vicieux ».
La question qui se pose est donc celle de l’avenir de cette jeunesse. Si la tendance persiste, Maurice risque d’avoir une génération entière à la dérive, victime d’une « zombification » irréversible. Face à l’urgence de la situation, il est impératif d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
« Un point de non-retour »
Ashvin Gungaram, de l’ONG AILES, tire également la sonnette d’alarme. Spécialiste du bien-être des consommateurs de drogues, notamment des jeunes vulnérables, il souligne que la situation a atteint un point de non-retour.
Selon lui, les petits laboratoires de production de drogues se multiplient, avec des substances de plus en plus dangereuses, souvent à base de thé, une plante qui absorbe facilement tout produit chimique.
« Je n’ai pas encore eu vent de cas dans le milieu scolaire, mais dans les zones vulnérables, la situation est alarmante. Des jeunes entre 14 et 17 ans deviennent les nouvelles victimes de la drogue synthétique », indique-t-il.
Ces jeunes, souvent issus de milieux défavorisés, tombent dans ce piège sans réaliser les conséquences dramatiques qui en découlent.
Autre fait alarmant : la facilité avec laquelle ces produits sont accessibles. Contrairement à l’héroïne ou à la cocaïne, qui sont relativement chères, les drogues de synthèse se vendent à des prix dérisoires, rendant leur consommation encore plus répandue.
« Avec Rs 100, on peut facilement se procurer de la drogue de synthèse bon marché. C’est pour cela que l’on voit souvent des jeunes dépenser entre Rs 1 000 et Rs 1 200 par jour pour leur dose quotidienne », fait-il ressortir.
Il ajoute qu’aujourd’hui, de nombreux jeunes en situation de vulnérabilité consomment librement de la drogue de synthèse injectable, sans aucune crainte ni problème.
La dépénalisation du cannabis : une solution ?
Pour Jameel Peerally, la dépénalisation du cannabis est la seule solution pour contrer la montée en flèche des drogues de synthèse. Selon lui, ces substances sont responsables des vagues de violence et des problèmes sociaux actuels.
« Il n’existe aujourd’hui aucun traitement contre la drogue de synthèse, voilà pourquoi il est impératif de dépénaliser le cannabis. L’alcool et la cigarette sont dangereux pour la santé, pourtant ils sont en vente libre. Il devrait y avoir un cadre juridique permettant cette transition », fait-il comprendre.
Le citoyen engagé appelle à une réforme structurelle afin de prévenir de futures crises liées aux drogues de synthèse. Concernant les laboratoires clandestins spécialisés dans leur fabrication, il estime que les autorités doivent adopter une approche préventive plutôt que répressive. « Les arrestations qui finissent par une caution ne servent à rien. C’est un véritable cercle vicieux. Ce cocktail explosif finira par nous exploser à la figure si rien n’est fait. La drogue de synthèse évolue constamment. Aujourd’hui, elle ne se limite plus aux produits chimiques : on retrouve aussi des antidépresseurs, de la méthamphétamine et d’autres substances encore plus dangereuses. Si nous n’agissons pas dans l’urgence, nous allons faire face à de graves répercussions sociales et économiques », prévient-il.
Un combat collectif nécessaire
Maurice se trouve à un tournant critique face à l’ampleur du phénomène des drogues de synthèse. Tandis que les travailleurs sociaux et militants dénoncent l’inaction des autorités, la consommation continue d’augmenter, touchant de plus en plus de jeunes.
L’avenir de la jeunesse mauricienne est en jeu. Si aucune action concrète n’est prise rapidement, le pays pourrait voir naître une génération brisée, sans espoir de réinsertion.
Le combat contre la drogue ne peut plus être mené uniquement par les forces de l’ordre. C’est un effort collectif qui implique les familles, les écoles, la société civile et le gouvernement. Seule une réponse coordonnée et efficace permettra d’endiguer cette menace avant qu’elle ne devienne incontrôlable.
Sam Lauthan plaide pour une approche globale et un meilleur encadrement

Lors d’une réunion avec les représentants de onze ministères et d’ONG, Sam Lauthan, conseiller au bureau du Premier ministre, a procédé à un état des lieux de la situation de la drogue. Selon lui, pour parvenir à contrôler ce fléau, il est essentiel de sécuriser au maximum les points d’entrée du pays : le port, l’aéroport, les côtes, la douane, les postes, etc. Il reconnaît cependant que, malgré des mesures mises en place dans d’autres pays, la drogue continue d’y circuler en raison, entre autres, de la corruption.
Il estime toutefois qu’il faut à la fois limiter l’entrée de la drogue dans le pays et, parallèlement, protéger les jeunes en les sensibilisant pour qu’ils n’y touchent pas. Ce qui passe par un renforcement des familles. Il insiste sur le rôle clé du ministère de l’Égalité des genres et de la Famille, qui devra aider les parents à identifier les signes qui indiquent qu’un jeune se drogue. « La formation des parents est importante afin qu’ils puissent détecter les signes de la consommation de drogues », dit-il. Selon lui, cette formation devrait peut-être commencer avant le mariage afin de prévenir les séparations et les divorces liés aux problèmes de toxicomanie.
Selon Sam Lauthan, les jeunes savent dissimuler qu’ils consomment de la drogue et ils adoptent différentes identités. Il estime qu’il est crucial de déterminer les difficultés auxquelles ils sont confrontés, comme le harcèlement scolaire, qui pourrait les pousser à se droguer. Il ajoute que les organismes religieux et culturels ont également un rôle à jouer dans la lutte contre ce fléau. Ils ne doivent pas se limiter à condamner ou à blâmer les usagers. Il doivent tenir un discours de soutien et d’accompagnement pour les aider à s’en sortir.
Cependant, malgré toutes les mesures de prévention, certains jeunes se drogueront. Et Sam Lauthan estime qu’il y a un besoin urgent de réorganiser la gestion de la distribution de la méthadone. Il note que certaines personnes consomment leur méthadone à domicile, ce qui facilite sa revente.
Il propose que les drogués ne soient pas uniquement traités avec de la méthadone et préconise d’autres traitements. Il prône un accompagnement à long terme, car si la dépendance physique peut être traitée, mais la dépendance psychique est plus difficile à surmonter.
Sam Lauthan a présenté au gouvernement un plan d’action. Après un inventaire de la situation, les mesures devraient être rapidement mises en place. Il a également précisé que les différents ministères ont été chargés de relire le rapport de la commission d’enquête sur la drogue. Ces derniers doivent évaluer quelles recommandations ont été appliquées et quelles sont celles qui n’ont pas été. Selon lui, cette analyse permettra d’élaborer une approche multidimensionnelle pour traiter ce problème complexe.
Les ONG seront encouragées à contribuer à cette lutte, et le plan comprendra l’utilisation des infrastructures existantes des ministères de la Jeunesse et des Sports, de l’Égalité des genres, de la Santé, entre autres. L’objectif est de quadriller l’ensemble du pays afin d’offrir un encadrement aux personnes concernées à travers des organisations implantées dans différentes localités et quartiers.
Son plan d’action devra être approuvé par l’Assemblée nationale. Ce n’est désormais plus qu’une question de jours avant sa mise en oeuvre.

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !