Le General Manager de la Central Water Authority (CWA) explique que la mise en opération du Bagatelle Dam soulagera les régions de Beau-Bassin, Coromandel et Rose-Hill. Il évoque aussi des pertes de Rs 100 millions causées par des vols d’eau.
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Voilà neuf mois que vous êtes à la tête de la CWA. Quels sont les projets qui ont été lancés pour améliorer la fourniture d’eau ?
Un Master Plan a été conçu pour remédier aux problèmes de chacune des régions de Maurice. Trente-sept projets ont été élaborés et une enveloppe de Rs 3 milliards a été avancée par le gouvernement pour les réaliser.
Un réaménagement en interne est déjà en cours. Il fallait une meilleure interaction avec nos clients. Un shift system a été mis en place car nous sommes un service public. Il n’était pas normal de payer des heures supplémentaires puisque c’était toujours vers 15 h 45 qu’un tuyau cédait à l’autre bout de l’île. Nous nous attaquons également aux problèmes de trésorerie. Avec des dettes de Rs 3,3 milliards, je conviens que le tableau n’est pas très attrayant.
L’Alliance Lepep a promis une fourniture d’eau ininterrompue. Qu’est-ce qui est fait en ce sens ?
Si j’avais été nommé il y a trois ans, la fourniture erratique aurait déjà été résolue. Dans le Nord, par exemple, la CWA ne dispose pas d’un nombre suffisant de stations de traitement. Nous traitons 400 000 mètres cubes d’eau par jour, alors que la demande est de 530 000 mètres cubes.
La capacité de traitement à La Nicolière sera augmentée. Elle passera de 66 000 mètres cubes à 100 000 mètres cubes d’ici 25 mois, ce qui mettra le Nord à l’abri des coupures durant 50 ans. Même chose dans le Sud et dans l’Est à travers des travaux à Mont-Blanc, Piton-du-Milieu, Pont-Lardier et Rivière-du-Poste.
Si la construction des stations de traitement du Bagatelle Dam démarre en décembre, les habitants de Quatre-Bornes, Beau-Bassin, Rose-Hill, Coromandel et Port-Louis n’auront plus aucun souci d’ici août 2018. Parallèlement, la capacité de stockage des service reservoirs à Alma, Balisson, Cluny, Riche-en-Eau et Rivière-Dragon sera revue.
Faits de pierres taillées, ils ont été construits il y a plus d’un siècle par les Anglais. Ils ne peuvent stocker que 600 mètres cubes. Mont-Blanc, par exemple, était un hameau à l’époque coloniale. Avec la démographie galopante et le développement touristique, son réservoir ne fait pas le poids.
C’est pour quand le 24/7 ?
La CWA accorde toute son attention à la Water Resources Unit pour déterminer quelles sont les nappes phréatiques qui peuvent être exploitées. À terme, nous pourrons fournir de l’eau 20 heures durant, sept jours sur sept. C’est suffisant. 85 % de nos abonnés bénéficient déjà d’une fourniture 24/7.
Les régions touchées par les coupures sont Beau-Bassin, Rose-Hill et Coromandel. C’est dû au fait qu’elles sont desservies par le service reservoir de la route Meldrum. Dès que les abonnés ouvrent le robinet le matin, il est à sec. Des agglomérations se sont développées à grande vitesse. C’est comme si le verre d’eau partagé entre dix personnes autrefois était désormais partagé entre 1 000.
Les soucis que rencontrent les habitants de ces régions sont également dus au développement intervenu à Ébène. La Cybercité n’est pas fournie par un tuyau dédié. Je suis en train de voir si elle ne peut pas être alimentée par le borehole de Telfair, à Moka. Si le Bagatelle Dam avait déjà été mis en opération, 80 % de nos problèmes aurait été résolus…
À condition qu’il ne cède pas…
C’est impossible que le Bagatelle Dam cède. Je ne vais pas entrer dans cette polémique. Il y a des sensors et d’autres valves qui ont été installées autour de cette digue pour éviter de telles catastrophes. Mon souci c’est comment fournir de l’eau aux Mauriciens. Une eau de qualité, en quantité suffisante et avec la pression nécessaire.
La station de traitement du Bagatelle Dam soulagera les habitants des basses Plaines-Wilhems. Avec la mise en service du barrage, l’eau de Mare-aux-Vacoas destinée à Beau-Bassin et Rose-Hill sera déviée vers l’ouest. Notamment à Flic-en-Flac et Tamarin qui ont connu de grands développements.
Nous travaillerons avec la sucrerie de Médine pour trouver de nouveaux boreholes. La capacité du service reservoir de Beaux-Songes sera étendue pour desservir Flic-en-Flac. Des tuyaux d’Holyrood connectant Tamarin et Le Morne via Yémen seront remplacés.
Plus de 180 kilomètres de tuyaux à Rose-Hill et Rivière-du-Rempart, entre autres, doivent aussi être réhabilités. Certains datent de 70 ans. À Résidences Kennedy, à Quatre-Bornes, et au Morcellement Swan, à Péreybère, le tuyau d’alimentation s’apparente à un brin de cheveux fournissant le moteur d’une grosse cylindrée.
Outre 1,2 million d’habitants, le nombre de touristes ne cesse de croître, ce qui amène de nouveaux hôtels, des villages IRS et des terrains de golf. Y a-t-il une étude sur le ratio de consommation entre les habitants, les industries et les touristes ?
Deux mètres de pluie tombent sur Maurice chaque année. Nous n’en collectons que 4 %. Seulement la moitié est traitée. Certaines décisions auraient dû être prises. Comme réparer 1 600 des 4 600 km de tuyaux percés et augmenter les capacités des stations de traitement.
Un Mauricien consomme 180 litres d’eau par jour. C’est presque le double pour le touriste. Faites le calcul. La demande a explosé durant ces dernières années mais la production n’a pas suivie. Elle est demeurée à 400 000 mètres cubes.
En tant qu’économiste, je privilégie le forward planning. Ce n’est pas normal que des champs de canne à sucre à Grand-Baie soient irrigués alors que les habitants n’ont pas d’eau. À Tamarin, de grandes maisons ont été construites, mais il n’y a pas eu de pose de nouveaux tuyaux.
D’où le recours au Conseil des ministres pour une dérogation afin de dévier l’eau de La Nicolière et soulager le Nord. D’ici une dizaine de jours, les coupures là-bas seront de l’histoire ancienne. Des stations mobiles de filtration seront aussi installées sur place.
Quand allez-vous augmenter le tarif de l’eau ?
Hier aurait été plus approprié. Si nous n’avons pas les fonds pour améliorer le réseau de distribution, les clients seront pénalisés. Si chaque Mauricien contribue 50 sous par jour à la CWA, nous seront sortis d’affaire. Si je pouvais, je l’aurais augmenté demain. Je ne peux pas gérer Rs 3,3 milliards de dettes alors que nos revenus sont de Rs 1,3 milliard annuellement.
Avez-vous été nommé pour faciliter la privatisation de la CWA ?
Je ne suis qu’un économiste. La Banque mondiale travaille sur un rapport à ce sujet. J’espère qu’il y aura un débat sur la question. Avec ou sans partenaire stratégique, il faut redresser la CWA.
Si vous y arrivez, pourquoi privatiser l’organisme ? Quelle est votre opinion à ce sujet ?
La décision ne m’appartient pas. L’eau est un public good. Public good remains public good.
Pourquoi avoir quitté le secteur financier pour la CWA ?
J’adore le challenge. Le travail n’est pas si différent. On doit travailler avec du liquide à travers des réseaux transparents.
En France, le client qui n’a pas réglé sa note ne peut être déconnecté du réseau. Êtes-vous d’accord avec ce principe ?
Nous le faisons rarement. Mais nous sommes intraitables envers ceux qui volent de l’eau. Dans le Nord et l’Ouest, certaines maisons ne sont pas officiellement connectées au réseau mais disposent de piscines et de pelouses toujours vertes. Tout est une question d’observation. Malheureusement, certains meter readers font comme si de rien n’était.
Une Anti-Fraud Team d’une trentaine de personnes est en train d’être constituée pour identifier ceux qui nous font perdre plus de Rs 100 millions par an.
Des planteurs volent de l’eau tout comme 30 000 à 40 000 consommateurs qui estiment qu’il est tout à fait normal de faire des raccordements illégaux sur notre réseau.
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