Le Dr Hassam Sakibe Coowar, directeur de l’établissement privé Mauricia Institute, donne son point de vue sur l’actualité éducative à l’île Maurice. Il revient sur la question des 5 credits pour obtenir une place en Lower VI. Le pédagogue estime qu’il fallait donner du temps aux élèves pour se préparer.
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Il faut mettre l'accent sur l'apprenant et non sur un système d'élite.
Vous avez 52 années de carrière dans l’enseignement, de plus vous êtes détenteur d’un doctorat en éducation, peut-on connaître votre position par rapport à la polémique entourant le critère des 5 credits pour être admis en Grade 12 ?
Depuis des décennies, le critère appliqué était de 4 credits, y compris le credit dans le sujet choisi en Advanced Level. Le ministre Bunwaree l’a réduit à 3 voire 2 credits pour les élèves âgés de 19 ans. L’occasion fut donc donnée aux détenteurs du School Certificate (SC) de poursuivre leurs études en Higher School Certificate (HSC). L’actuel ministre et son gouvernement s’acharnent, après les 4 credits de 2019, à appliquer en 2020 les 5 credits. Bien sûr que je suis pour le maintien des 4 credits, car il fallait accorder un peu plus de temps aux élèves pour décrocher ces 5 credits, valables d’ailleurs pour le travail dans le service public.
Le système de SC et de HSC n'existe qu'à Maurice pour les besoins de la Public Service Commission et des bourses d'État. N'est-ce pas au détriment des élèves ?
Indépendante depuis 1968, l'île Maurice est plus royaliste que le roi dans ce système. On perpétue un système colonial, dépassé et obsolète. En Angleterre et dans d’autres pays, l’élève de Grade 11 se prépare pour son Ordinary Level – 5 à 8 sujets et en Grade 13 (Advanced Level), il prend 2 ou 3 sujets. Il faut donc revoir notre système éducatif. Comme vous le dites, c’est le système des bourses d’Etat qui l’exige : 6 credits incluant l’Anglais pour concourir au système de lauréat en HSC, avec 3 sujets dans les matières principales et 2 dans les matières subsidiaires. Il faut abolir ce système avec des dépenses qui ne servent pas au pays, car le lauréat ne rentre pas au bercail.
Seuls 3 élèves sur 10 ont obtenu les 5 credits. À quoi attribuez-vous cette baisse de niveau ?
La chute dans les résultats de SC et de HSC est remarquable chaque année. Approximativement et en moyenne, disons que pour le Primary School Achievement Certificate (PSAC), le SC, le HSC, c’est 50 % d’échec. C’est le système qui en est responsable. Plusieurs facteurs l’expliquent : des profs qui ne se donnent pas à fond pendant les heures de classes, des élèves démotivés, des parents trop heureux de recevoir tout en cadeau.
Pour remédier à ces lacunes, il faudrait un système d’inspectorat pour les collèges d’État, des inspecteurs et non des superviseurs à la Private Secondary Education Authority (PSEA). Il faut que le travail soit monitorisé par des inspecteurs compétents et rigides, au cas contraire c’est : fais comme tu veux ! Au recteur et à ses Heads of Department de monitoriser le travail par un système de contrôle continu pour suivre les progrès des élèves.
Il faut revoir le système de bourses d'État qui est à la base de tout ce gâchis.
N’est-ce pas trop facile de pointer du doigt le ministère ? N’est-ce pas aussi la faute des enseignants à qui il est reproché de ne pas donner le meilleur d’eux-mêmes à l’école et de privilégier à la place les leçons particulières ?
Parfaitement. Au primaire, le prof est totalement responsable de ses 40 élèves. Que fait-il de 8 h 30 à 15 h 30, pour commencer un travail de 15 h 30 à 17 h ? Personne n’a pu abolir ce système désuet. Que fait ce prof du secondaire durant sa période normale, alors qu'il se réserve dans l’après-midi ? Le système de l’inspectorat régulier en classe pourrait changer cette mentalité.
N’est-ce pas également parce que les élèves se laissent de plus en plus distraire avec leur portable ?
C’est l’ère digitale et c’est le mal du nouveau siècle. On ne peut éviter l’usage abusif du portable et des réseaux sociaux qui dévorent le temps des élèves. Il s’agit de savoir expliquer à l’élève comment utiliser à bon escient son portable. Contrôle strict à l’école et surtout à la maison.
Et qu’est-ce qui ne marche pas dans notre système éducatif ?
Notre système mérite une véritable réforme, de fond en comble. Pas le 9 year Schooling qui n’a fait que changer des appellations avec tous les défauts du système, que ce soit pour le PSAC, le Form III National Exam, l’admission aux académies, la mixité des académies. Il faut réunir tous les partenaires de l’éducation pour enclencher de nouvelles idées en vue de vrais changements.
Avec le manque d'élèves, les managers des collèges privés craignent un arrêt de leurs classes de HSC. L’avenir de ces collèges n'est-il pas dans le rouge ?
Tout à fait. C’était prévu avec les constructions des collèges d’État. Ces collèges engouffrent la population estudiantine sur le marché. Les 5 credits viennent carrément tuer et fermer les collèges privés.
Est-il vrai que les collèges payants permettent aux élèves ayant moins de 5 credits de monter en Lower Six ?
Parmi les 13 141 élèves qui n’ont pas eu leurs 5 credits, ceux qui ont les moyens vont se joindre à ces collèges pour leur Advanced level, au risque d’affronter des problèmes de travail après leur HSC ou BSC. Il faut éclairer ces élèves sur la possibilité de refaire leur SC en mai-juin, sinon ce serait néfaste.
Que proposez-vous pour un meilleur système éducatif ?
Il faut avoir la volonté politique de réformer un système colonial, de mettre l’accent sur l’apprenant et non sur un système d’élite et aussi de revoir le système des bourses d’État qui est à la base de tout ce gâchis. Il faut aussi chercher des enseignants compétents, des recteurs passionnés et des inspecteurs dévoués pour mener à bon port l’avenir de nos jeunes.
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