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Dotée de superpouvoirs - Financial Crimes Commission : une force plus redoutable que le NSS 

L’article 66 du FCC Bill aborde l’activation de « Special Investigative Techniques ».

La création prochaine de la Financial Crimes Commission (FCC) représente un tournant majeur dans la lutte contre la criminalité financière. Cette entité sera visiblement dotée de pouvoirs qui risquent de dépasser ceux du National Security Service. Elle sera habilitée à enquêter sur divers délits financiers, se positionnant d’emblée comme une force redoutable. 

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Ses pouvoirs seront étendus. Ils surpasseront même ceux des services des renseignements dans la sphère financière. « La Financial Crimes Commission (FCC) sera un monstre ! Elle sera définitivement plus puissante que le National Security Service (NSS) », martèle l’ancien Deputy Commissioner of Police et ancien responsable du NSS, Dev Jokhoo. Il estime même que les services des renseignements deviendront caducs une fois la FCC mise sur pied. 

La FCC aura un mandat clairement défini. Elle disposera de ressources dédiées pour enquêter sur une gamme variée de délits financiers. Parmi : la fraude, le blanchiment d’argent, la corruption et les crimes liés aux marchés financiers. 

L’article 66 du FCC Bill aborde, par exemple, l’activation de « Special Investigative Techniques ». Il stipule ceci : « (…) The Director of the investigative division shall, with the approval of the Director-General, use the following investigative techniques as may be required for the purpose of gathering intelligence or evidence : controlled remittance and surveillance… »

Le document précise également que le directeur des enquêtes pourra, avec l’approbation du directeur général de la FCC, en fonction des besoins et dans le but de recueillir des renseignements ou des preuves, solliciter un juge en chambre afin d’obtenir un ordre autorisant l’utilisation de certaines techniques d’enquête spécifiques. Lesquelles ? La surveillance intrusive (les mouvements, l’écoute de conversations, l’utilisation d’appareils de surveillance, tels que des drones afin de faire irruption dans des lieux autres que les endroits publics) ; la conduite et le recours à une source humaine de renseignement secrète (« covert intelligence human source ») ; ainsi que l’interception d’équipements. 

Réenregistrement des cartes SIM

Dev Jokhoo insiste que ce n’était pas nécessaire d’aller aussi loin. « Un tel mécanisme existe dans beaucoup d’autres pays. Il coûtera énormément d’argent à l’État, surtout en matière d’équipements. Maurice sera définitivement appelé à solliciter Israël afin d’obtenir les meilleurs appareils », affirme-t-il. 

L’ancien directeur général du NSS estime que le FCC ne produira pas les résultats escomptés mais qu’elle « instaurera plutôt un climat de frayeur ». Il fait ressortir que le réenregistrement des cartes SIM pourrait avoir un lien avec la mise sur pied de la FCC. 

« Serait-ce un genre d’espionnage bien organisé ? », demande l’ancien juge Vinod Boolell. Il rappelle qu’en vertu de la loi, les autorités doivent impérativement détenir un ordre délivré par un juge en chambre pour obtenir des informations personnelles sur un individu. 

Composition de la FCC

Dans le cas de la FCC, poursuit-il, il faut qu’il y ait des preuves solides contre un suspect et le juge doit analyser scrupuleusement les demandes formulées avant d’émettre l’ordre. Vinod Boolell lance un vibrant appel : « C’est à ce moment précis que le système judiciaire a le devoir de jouer son rôle et de ne pas émettre d’ordre à tort et à travers, et ce malgré les demandes. » 

La loi sur la FCC précise aussi que tout renseignement recueilli au cours des enquêtes sera recevable devant une cour de justice. Un « Covert Intelligence Human Source Data Controller » (voir encadré) sera chargé de conserver tous les dossiers et les informations relatifs aux techniques utilisées par la « Covert Human Intelligence Source » pour recueillir des données. 

L’ex-assistant surintendant de police Hector Tuyau, qui a fait partie de l’Anti-Drug and Smuggling Unit, partage l’opinion de Dev Jokhoo. « La FCC disposera de plus de pouvoirs que le NSS. Mais ma plus grande interrogation porte sur la composition de cette équipe. Qui sont ceux qui iront travailler là-bas ? La FCC sera-t-elle un ‘non-event’ ? Ou alors y aura-t-il des abus ? Du reste, j’aurais préféré que la FCC soit un ‘non-event’ », ajoute l’ancien enquêteur.

Des pouvoirs moins spécifiques conférés aux services des renseignements 

Le NSS dispose de pouvoirs moins spécifiques que la FCC. Conformément à l’article 18 du Police Act de 1974, les agents ont pour tâche d’obtenir, de « correlate » et d’évaluer des renseignements pertinents à la sécurité nationale. Ils doivent également communiquer les informations de la manière que le responsable du service estime être dans l’intérêt de la sécurité nationale. 

Les officiers du NSS doivent aussi fournir des renseignements sur la sécurité au Premier ministre ainsi qu’à d’autres personnes que ce dernier peut diriger. Ils ne doivent en aucun cas juger quelqu’un en raison de son implication dans une quelconque activité politique ou toute autre forme de protestation ou de dissentiment légal. Autre point : il leur est strictement interdit d’agir comme activistes politiques, de participer à toute activité politique ou encore d’interférer dans le processus électoral.

Les Covered Intelligence Human Sources, aux yeux du MI5 britannique

Le FCC Bill introduit un nouveau concept à Maurice : les « Covered Human Intelligence Sources ». Le MI5, service d’espionnage britannique, explique mieux le concept sur son site Web. « Ces agents ne sont pas formellement employés par le MI5. Nous appelons notre personnel ‘officiers’. Ils figurent parmi les sources d’informations les plus importantes pour notre organisation, fournissant des renseignements cruciaux pour assurer la sécurité du Royaume-Uni », est-il dit. 

Ces derniers, peut-on lire, collaborent avec des membres spécifiquement formés du personnel du MI5 appelés « responsables de cas » ou « manipulateurs d’agents ». Tous les agents sont des volontaires et travaillent avec le MI5 pour diverses raisons. « Ils nous ont aidés à déjouer de multiples complots terroristes et attaques durant la dernière décennie, tout en nous permettant de comprendre et de contrecarrer les tentatives faites par des acteurs hostiles pour saper la sécurité de notre nation », précise le MI5.

L’opposition sur le pied de guerre 

Les parlementaires de l’opposition se sont rencontrés au bureau du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, lundi après-midi. « Nous avons pris le temps de bien étudier le Financial Crimes Commission Bill. Nous avons déjà accordé nos violons pour la séance de ce mardi », fait-on comprendre. 

Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, interviendra en premier lors des débats sur ce texte de loi controversé. Il sera suivi du député du Parti travailliste (PTr) Arvin Boolell, Reza Uteem du MMM, et Shakeel Mohamed du PTr. Paul Bérenger, le leader du MMM, interviendra pour sa part en dernier. 

Quid des avenues légales que l’opposition envisage d’exploiter afin de contester le Financial Crimes Commission Bill ? « Au niveau de l’opposition, nous sommes définitivement contre le Financial Crimes Commission Bill. Nous allons démontrer notre mécontentement ce mardi à l’Assemblée nationale et nos avocats sont en train de travailler sur les divers points de droit », répond-on. Les membres de l’opposition expriment des réserves quant à la constitutionnalité de cette Commission, qui regroupera divers organismes tels que la commission anticorruption et la Financial Intelligence Unit notamment. 

Rencontre Bar Council - Attorney General ce jeudi

Le Bar Council a obtenu une réunion urgente avec l’Attorney General, ce jeudi, pour discuter du Financial Crimes Commission (FCC) Bill, qui suscite des inquiétudes chez les avocats mauriciens. Cette réunion, demandée par la Mauritius Bar Association présidée par Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul, vise à faire part de leurs observations sur le projet de loi dans le sillage des débats parlementaires. 

Le Bar Council a recueilli les avis de ses membres sur ce projet de loi controversé. Ils s’interrogent notamment sur les pouvoirs du Directeur des poursuites publiques (DPP), qui pourraient être transférés à la FCC et à son directeur général. D’autant que selon le texte de loi actuel, ce dernier ne sera pas nommé par la Judicial and Legal Service Commission ni ne bénéficiera d’une sécurité d’emploi comme le DPP actuel, qui occupe un poste constitutionnel. 

La question de la surveillance dans le cadre des enquêtes soulève également des préoccupations quant à la protection des données et à la vie privée, tout comme les perquisitions potentielles chez les membres du barreau. Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul souligne le maintien du privilège client-avocat comme un point crucial nécessitant une réflexion approfondie.

La police : « Cette loi ne vise nullement le citoyen lambda » 

« Cette loi ne vise nullement le citoyen lambda. Bien au contraire. Ce sont les personnes qui se sont enrichies au fil des années qui ont quelque chose à craindre. ‘Sa lalwa pa fer dimoun mizer », avancent des sources policières. 

concèdent toutefois qu’il y a un revers à la médaille. « S’il arrivait que le gouvernement perde les prochaines élections générales, de nombreux politiciens pourraient se retrouver dans de beaux draps », souligne-t-on au niveau de la force policière. 

Transparency Mauritius particulièrement inquiète

L’ONG Transparency Mauritius salue la volonté du gouvernement de procéder à une consolidation de toutes les lois concernant les crimes financiers à travers le FCC Bill qui sera débattue à partir de ce mardi au Parlement. Par contre, elle « condamne fermement » plusieurs composantes du texte de loi. 

Dans un communiqué lundi, Transparency Mauritius dit voir d’un mauvais œil « l’érosion du pouvoir du Directeur des poursuites publiques en faveur du directeur général de la FCC, qui va à l’encontre des principes de bonne gouvernance. Il est primordial que la fonction d’investigation de toute institution soit absolument distincte de la fonction de prise de décision d’instituer des poursuites ou non ». L’ONG estime qu’à ce jour, « ce système a bien fonctionné et a fait ses preuves et il n’y a aucune justification à de tels changements ». 

Comme beaucoup d’autres observateurs, qu’ils soient politiciens de l’opposition ou membres du barreau, Transparency Mauritius estime que le mode de nomination du directeur général de la FCC pose problème. Le projet de loi propose qu’il soit nommé par le président de la République sur avis du Premier ministre en consultation avec le leader de l’opposition. « Cela donne lieu à des soupçons de népotisme et de politique partisane et risque d’engendrer des perturbations dans la bonne marche de la justice. Transparency Mauritius recommande que cette nomination se fasse par la Legal and Judicial Service Commission, organisme neutre et indépendant ».

Financial Crimes Commission Bill : début des débats 

Le controversé FCC Bill passe en seconde lecture ce mardi. C’est le seul texte qui figure à l’agenda pour la séance de mardi. Les débats devraient prendre plus d’une séance vu le grand nombre d’intervenants à l’agenda. L’objectif est de faire adopter le texte avant Noël.

 

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