Alors que le dernier recensement dénombrait quasiment 60 000 personnes souffrant de handicap à Maurice, le gouvernement ne veut pas être tenu responsable si l’un d’eux se blesse, faute d’accès adéquat aux bâtiments et lieux publics. Pourtant, le gouvernement a ratifié la Convention des Nations unies qui rend les différents États responsables de s’assurer de cet accès. Les ONG n’entendent pas en rester là…
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Les ONG, qui travaillent avec les handicapés, n’ont pas apprécié les explications du ministre de la Sécurité sociale, Etienne Sinatambou, au Parlement, mardi, sur le Disability Bill. Répondant à une question de Patrice Armance, le ministre a indiqué que le projet de loi n’était pas encore prêt parce que le gouvernement cherche un moyen pour ne pas être légalement responsable si les lieux publics ne sont pas accessibles aux handicapés. Une déclaration qui a provoqué un tollé au niveau des ONG actives auprès des handicapés. Ces organisations préparent déjà la riposte.
Etienne Sinatambou a expliqué que les consultations se poursuivent avec le Parquet pour trouver des solutions à quelques problèmes, dont celui de la responsabilité du gouvernement : « L’État doit prendre les mesures appropriées pour que le gouvernement ne soit pas responsable si une personne se blesse parce que les arrangements nécessaires n’ont pas été faits dans les espaces et bâtiments publics pour y donner accès aux handicapés ou dans les cas où les facilités offertes par l’État ne leur sont pas accessibles. »
Incompréhension
Pour certains, c’est l’incompréhension totale. Sehenaz Hossain Saeb, du Centre d’Éducation et de Dévelopment pour les Enfants Mauricien (Cedem), qui s’occupe entre autres d’enfants handicapés, explique : « Je ne comprends pas ce qu’a déclaré le ministre. Il est pourtant primordial d’assurer l’accessibilité dans tous les bâtiments. Peut-être qu’il faisait référence aux anciens. »
Ailleurs, on commence à fédérer pour contrer les propos du ministre. C’est le cas au niveau d’Inclusion Mauritius, qui regroupe 14 ONG impliquées auprès de personnes souffrant de déficience intellectuelle. La coordinatrice des projets, Pooja Gopee, explique que les ONG se sont concertées durant la semaine et ont fait parvenir leurs remarques sur les intentions du gouvernement. « Maurice a ratifié la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, rappelle Pooja Gopee, nous travaillons dur pour améliorer les choses dans le secteur de la santé en fournissant des fauteuils roulants et autres équipements pour aider au déplacement, mais si en parallèle le gouvernement se dédouane, à quoi bon ? »
Pour elle, le gouvernement doit être tenu légalement d’améliorer l’accès aux bâtiments publiques pour les personnes handicapées. « C’est découragent », conclut-elle.
Convention
Parmi les commentaires faits par les autres ONG membres d’Inclusion Mauritius, on retrouve notamment la référence à l’article 9 de la Convention sur les droits des personnes handicapées qui traite de l’accessibilité. Les ONG estiment que l’État est dans l’obligation de l’implémenter, vu que la convention a été ratifiée. D’autres s’interrogent sur les raisons derrière les retards que prennent tous les projets qui concernent les handicapés. Faut-il revoir la Disability Unit du ministère de la Sécurité sociale ? D’autres ont encore fait remarquer qu’à chaque fois que le Disability Bill était évoqué au Parlement, la réponse est toujours la même : la loi vient prochainement. Pourtant, le projet de loi est au bureau de l’Attorney General depuis 2016…
Pooja Gopee explique qu’après avoir compilé les commentaires de toutes les ONG concernées, un comité se réunira probablement pour décider de la marche à suivre. « Il y a trois possibilités : une lettre ou une pétition adressée au ministre ou une demande de rencontre », explique-t-elle. Une méthode qui avait déjà donné des résultats au moment d’implémenter la Nine Year Continuous Education, assure-t-elle.
Pas d’école de formation depuis deux ans
En sus des retards que connaît le Disability Bill, le Training and Employment of Disabled Persons Board (TEDPB) n’est pas opérationnel depuis bientôt deux ans. C’est suite à une autre question de Patrice Armance qu’Etienne Sinatambou a apporté ces précisions.
Le Board possédait deux centres, à Calebasses et Rose-Belle. Les deux ont fermé leurs postes suivant les recommandations du ministère des Infrastructures publiques en raison des risques que représentait l’état délabré des bâtiments. Les centres de Calebasses et de Rose-Belle sont fermés depuis le 15 novembre et le 24 juillet 2017 respectivement. Le ministre a expliqué que l’appel d’offres pour l’ouverture de six nouveaux centres est en cours.
Sauf qu’en attendant, aucun cours n’est dispensé aux handicapés, confirme Pooja Gopee : « Il ne reste que les bureaux de Rose-Hill au bâtiment de la NPF. Il n’y a pas de salle de classe, donc il n’y a plus de cours. Mais de toute façon, le General Manager n’a jamais été remplacé après les élections de 2014 et le TEDPB ne fonctionne pas. »
Etienne Sinatambou a indiqué qu’en 2014, le TEDPB comptait 1 003 inscrits sur sa liste de personnes qui avaient besoin de formation, dont 438 qui avaient déjà un emploi.
Ce que dit l’article 9 de la Convention des Nations unies
L’article 9 de la Convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées est consacré à l’accessibilité. Il demande aux « États Parties prennent des mesures appropriées pour leur assurer, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication, y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public, tant dans les zones urbaines que rurales ».
Les États doivent notamment s’assurer d’enlever les obstacles pour l’accès aux bâtiments, a la voirie, les lieux de travail, les écoles, les logements et les transports. Les États signataires doivent également s’assurer d’instaurer des normes nationales.
60 000 personnes souffrant de handicap à Maurice
Selon le recensement de Statistics Mauritius de 2011, le pays compte 59 868 handicapés. Ce qui représente 4,8 % de la population totale. C’est basé sur le recensement qu’Inclusion Mauritius a produit des chiffres concernant la nature des handicaps dont souffrent ces Mauriciens. Les handicaps de nature motrice, empêchant la personne de marcher ou de monter les escaliers, sont les plus fréquents avec 17 451. Les problèmes de vue arrivent en deuxième position, loin derrière avec 8 777.
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