Interview

Diabète: 75% des amputations peuvent être prévenues

Chaque année, il y a en moyenne 300 nouvelles amputations liées au diabète à Maurice. Cela aurait pu être évité, selon le Dr Yusuf Abbas, spécialiste en chirurgie plastique et reconstructrice. De nombreuses amputations liées au diabète sont pratiquées à Maurice. Que pensez-vous de cette situation ? Depuis mon retour à Maurice, il y a trois ans, je considère que le nombre d’amputations est énorme. J’ai accordé une attention particulière à ce problème. J’estime que 75 % d’entre elles auraient pu être prévenues par de nouveaux soins et de nouveaux types de pansements.
Que préconisez-vous afin de prévenir une amputation ? Ce qu’il faut savoir avant tout, c’est que la plaie, en cas de blessure, d’une personne atteinte du diabète est bien complexe. Contrairement aux autres patients, chez un diabétique une plaie prend du temps à se cicatriser, en raison d’un problème de circulation sanguine. Elle doit être traitée avec plus de précaution et d’attention et on ne peut utiliser n’importe quel produit.
[blockquote]« Il y a encore cette croyance qu’un malade atteint du diabète ne devrait pas subir d’intervention chirurgicale. »[/blockquote]
De nouveaux types de pansements tels que le traitement avancé des plaies sont maintenant disponible, tant dans le service public que privé, mais encore faut-il savoir les utiliser. Une plaie a différents stades (granulation et épithélisation). D’un côté, elle fait de la chair et de l’autre elle fait de la peau. Dans chaque cas, ce n’est pas le même type de pansement et pour pouvoir apporter le soin et le traitement appropriés, il faut bien comprendre à quel stade la plaie se trouve. Comment faire la distinction et quelles sont les précautions à prendre lors du traitement d’une plaie ? Une plaie en train de se cicatriser ne devrait pas être noire. Cela doit être un environnement humide. Pour la soigner, il faut prendre en considération aussi bien la plaie que le patient, afin de mieux comprendre comment et pourquoi est survenue la blessure. Il y a une investigation à faire, afin de déterminer si ce n’est pas à cause de chaussures trop serrées, par exemple. Si c’est le cas, cela peut empêcher une plaie de se refermer. C’est toute une science de traiter la plaie d’un patient diabétique. Il ne s’agit pas juste de mettre un pansement. J’ai fait beaucoup de campagnes de sensibilisation concernant le traitement des plaies négatives (Negative Wound Therapy). C’est un type de pansement qui garde le pied sous vide et aspire la pression se trouvant à l’intérieur d’une plaie. Ce qui permet à la chair de se poser. Là encore, il faut savoir l’appliquer, afin de ne pas créer d’autres problèmes. Un nouveau type de traitement qu’on peut pratiquer, c’est le plasma riche en plaquettes (PRP). Il s’agit là de prendre une cellule dans le sang, de la concentrer, de l’activer et de la placer à l’endroit de la blessure. Une fois activée, la plaquette va libérer des facteurs de croissance qui vont aider à la régénération de la chair. C’est ce qu’on appelle la médecine régénératrice. Cela peut se pratiquer une fois que toutes les infections auront été éliminées.

Selon les chiffres du ministère de la Santé, le nombre d’amputations chaque année tourne autour de 300. Dans certains cas, les mêmes patients ont dû subir de nouvelles amputations. Ce qui fait que le nombre total des amputations est passé de 492 en 2013 à 519 en 2015, comme l’indique le tableau à la page 33.

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Est-ce que cette technique est possible dans tous les cas de plaie profonde ? Non. On utilise différentes techniques de chirurgie plastique pour traiter les patients diabétiques. Mais il y a encore cette croyance qu’un malade atteint de diabète ne devrait pas subir d’intervention chirurgicale. À bien regarder, un diabétique subit bien une opération cardiaque, des yeux, des reins…
[row custom_class=""][/row] Il se trouve que nous avons deux grands tabous à Maurice : quand on a le diabète, il ne faut pas se faire opérer et en cas de blessure, au lieu de couper un petit bout, autant couper un gros morceau afin « d’éliminer » complètement le problème. Donc, au lieu de traiter comme il se doit, c’est un traitement destructeur qui est proposé. Cela alors qu’il n’est pas nécessaire de pratiquer une amputation pour soigner un pied malade. Vous avez évoqué la médecine régénératrice, est-ce qu’il y a d’autres moyens d’éviter l’amputation d’un membre ? On peut prendre un lambeau de peau pour recouvrir une plaie. Il ne s’agit pas d’une greffe, mais de la reconstruction d’une plaie par des lambeaux de peau. Une greffe n’a pas son propre apport sanguin. On ne fait que prendre une partie du corps pour le placer dans une partie. Le lambeau a son apport sanguin et ne dépend pas du récepteur, c’est-à-dire de l’endroit où il va être placé, pour se nourrir. Même s’il y a une infection, il va tenir. Je souligne que c’est la technique d’hydrochirurgie qui est utilisée, c’est-à-dire qu’on fait des incisions avec un jet d’eau selon une pression bien dosée. Ce type d’appareil offre plus de précision et il aspire en même temps qu’il coupe. Ainsi, il n’y a pas de risque d’aggravation de la blessure. Nous avons parlé jusqu’ici d’amputation au niveau des pieds. Combien de temps peut durer le traitement avant que le patient ne soit rétabli ? Si c’est une chirurgie, cela peut prendre trois à quatre mois. Cela peut être de deux à trois mois, si le traitement est bien réussi.  
   

Un examen régulier des pieds est important

On n’a pas la culture d’aller chez le podologue. Beaucoup de problèmes auraient pu être évités si on l’avait, souligne le Dr Abbas. Pour lui, le malade doit examiner son pied minutieusement chaque matin. Les choses auxquelles il faut faire attention : regarder s’il n’y a pas de champignons, si le pied ne s’est pas noirci, s’il n’y a pas de plis (qui peuvent apparaître sans qu’on ne s’en rende compte en l’absence de sensation). Les orteils peuvent se déformer et la personne peut avoir un doigt en maillet (doigt marteau, comme on dit) où l’extrémité devient crochue. Cela prédispose le malade à avoir d’autres blessures au pied. On peut s’aider d’un petit miroir pour le faire. Le chirurgien conseille aussi l’utilisation de chaussettes en coton, car elles absorbent mieux la transpiration. Il existe aussi des chaussettes conçues spécialement à l’intention de ceux atteints du diabète et elles protègeraient mieux les pieds, affirme le Dr Abbas. Le malade doit aussi faire très attention, quand il se coupe les ongles. Une visite régulière chez un podologue, ou toute autre personne qualifiée pour l’examen des pieds, est recommandée. Il faut vérifier, par exemple, la sensibilité au niveau des pieds ou s’il n’y a pas d’autres problèmes.  
   

Des prothèses pour retrouver la mobilité

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"23446","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-37282","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Des proth\u00e8ses pour retrouver la mobilit\u00e9"}}]] Perdre un membre à la suite d’un accident de la route ou en raison de complications liées au diabète n’est pas facile à vivre. Afin d’aider les victimes à retrouver leur mobilité, la Global Rainbow Foundation (GRF) met à leur disposition des prothèses.

Nombre annuel d’amputations

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Selon le Dr Youven Naiken Gopalla, directeur général de la GRF, sur les 300 prothèses offertes gratuitement chaque année, 80 % sont destinées aux diabétiques ayant subi une amputation, que ce soit en dessous ou au-dessus du genou. Il ajoute que la fondation leur propose aussi un service d’encadrement avec le soutien d’un médecin, d’un physiothérapeute, d’un ergothérapeute et d’un psychologue.
Cela pour une évaluation de leur état de santé. Des conseils sur le contrôle de la maladie et sur comment prendre soin de leurs pieds leur sont aussi prodigués. « Si une personne s’est fait amputer d’un pied, nous lui proposons des traitements et des soins des pieds, afin de préserver celui qui est bon et éviter une deuxième amputation », explique le médecin. Les soins préventifs visent également à permettre aux patients de faire l’économie du port d’un membre artificiel. Des campagnes de sensibilisation sont menées en ce sens avec la collaboration de nutritionnistes qui donnent des conseils sur l’hygiène alimentaire. Malheureusement, il n’est pas rare qu’une personne ayant déjà subi une amputation soit contrainte de se voir amputer un deuxième membre. Selon les chiffres du ministère de la Santé (voir tableau), il y a eu 519 amputations en 2015. Mais de ce nombre, 307 ont été amputés pour la première fois et le reste avait subi au moins une deuxième amputation.
 

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