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Dessous Molnupiravir’s Suspicious Panic Buying

Le ministère de la Santé semble n’avoir tiré aucune leçon du scandale entourant l’achat de médicaments à travers l’« Emergency Procurement » durant le premier confinement. Pourtant, c’était un exercice décrié qui avait fait l’objet d’enquêtes de la police et de l’Independent Commission against Corruption (Icac) et qui avait débouché sur des arrestations.

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Molnupiravir : lueur d’espoir

Bis repetita, cette année. Au début de ce mois de décembre, le ministère de la Santé s’approvisionne en Molnupiravir, un médicament dernier-né contre la Covid-19. À la lumière des déclarations et des documents officiels, il apparaît clairement qu’il s’est engagé dans un « Panic Buying », entaché de suspicions. Une fois de plus, l’Icac mène une enquête. Et forcément, il y aura des arrestations. 

Cependant, avant de sonder la profondeur de ce scandale, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, fait un aveu : « Il y a des informations que j’ignorais moi-même. Je suis heureux qu’elles aient été rendues publiques ». Et par mesure de précaution, le ministère des Finances a été sommé de geler le paiement à CPN Distributors Ltd qui a bénéficié d’un contrat en toute urgence et sans passer par un exercice d’appel d’offres d’une valeur de Rs 79 840 080. Venons aux faits.

Tout a commencé à la fin d’octobre 2021 avec une lueur d’espoir à l’horizon. Dr Reddy Laboratory de l’Inde, à travers son représentant local, informe le ministère de la Santé avoir obtenu l’autorisation de fabriquer Molnupiravir sous la licence de Merck et qu’il peut approvisionner l’île Maurice. Une dizaine de jours plus tard, soit le 9 novembre, le Pharmacy Board approuve une « emergency use » des molécules de Molnupiravir. C’est un pas dans la bonne direction.

La situation était-elle apocalyptique ?

Or, le 15 novembre, un développement de taille intervient dans ce dossier. Le Dr R. Reesaul, Consultant in Charge, du département Chest Diseases and Tuberculosis, fait une demande d’achat immédiat du Molnupiravir pour 30 000 patients, soit 1,2 million de doses. Comme si Maurice était aux prémices d’une situation apocalyptique. Cela a sûrement dû donner froid au dos de certains au ministère de la Santé. Car des questions fusent. Comment est-on arrivé à ce chiffre de 30 000 patients ? Le taux d’hospitalisations durant la Peak Period – soit fin novembre et début décembre - justifie-t-il cette projection ? Sur quelle durée aurait-on ce nombre substantiel de patients positifs – une semaine, un mois, un trimestre, un semestre ? Le ministère de la Santé gagnerait à éclairer les lanternes du public sur ces points spécifiques.
Entretemps, la nouvelle de ce besoin urgent de 1,2 million de doses semble s’être répandue comme une traînée de poudre dans le milieu des importateurs de médicaments. Deux jours après, soit le 17 novembre, les potentiels importateurs de Molnupiravir commencent à se faire enregistrer auprès du ministère de la Santé. Encore une fois, c’est un pas dans la bonne direction.

Vent de panique

La course à l’achat du Molnupiravir s’emballe le 24 novembre lorsque le Dr R. Reesaul renouvelle sa demande de « immediate purchase » du Molnupiravir. Un premier vent de panique souffle sur le ministère de la Santé. C’est de savoir où s’en approvisionner, car Dr Reddy Laboratory a annoncé que la livraison ne sera faite que le 25 décembre. En quatrième vitesse, un exercice d’appel d’offres restreint est lancé pour l’achat de 800 000 doses. Et non 1,2 million de doses comme recommandé par le Consultant in Charge du département Chest Diseases and Tuberculosis. Le 26 novembre, le ministère reçoit quatre offres.

En un clin d’œil, ce dossier connaîtra une suite de rebondissements. D’abord, pendant que le Bidding Committee analyse les quatre offres, le 1er décembre, CPN Distributors Ltd s’invite dans la course à travers une correspondance de son fournisseur indien Optimus de l’état de Telangana informant le ministère de la Santé avoir déjà livré 200 000 et 800 000 doses du générique Molcovir, qui n'est pas fabriqué sous la licence de Merck.

Ensuite, le 6 décembre, le ministère de la Santé alloue le contrat des 800 000 doses au « lowest bidder » - Mauritius Pharmacy - pour la somme de Rs 7 446 000. Les trois autres offres sont de Rs 26 millions pour Trident Healthcare, Rs 36 900 000 pour IBL Ltd et Rs 59 200 000 pour Hyperpharm Ltd. Il serait bon de savoir si le Bidding Committee s’est attardé sur la différence de prix et sur la qualité des médicaments proposés. Une anicroche surgit sur la voie du ministère de la Santé. Mauritius Pharmacy ne peut pas faire la livraison immédiatement. Un délai de 15 jours lui a été accordé. 

Coup d’essai et coup de maître

Coup de théâtre le lendemain, soit le 7 décembre. CPN Distributors Ltd, outsider dans cette course, chevauche très fort en rappelant le ministère de la Santé qu’elle a déjà en main près d’un million de cachet du générique Molcovir. Coup d’essai et coup de maître, car elle parvient à coiffer tout le monde au poteau. Sur le coup, le « Panic Buying » atteint son comble et prend un air de suspicion. Le ministère de la Santé décide d’acquérir la totalité du stock (999 000 doses) de cette compagnie de Montagne-Longue. Et pire, il revoit la condition préalable et implicite de la date d’expiration du produit de 18 à sept mois. Tout porte à croire que c’est parce que celle de Molcovir n’est que de huit mois. Il est peu probable que le ministère de la Santé parviendra à utiliser la totalité de cette cargaison jusqu’à juillet 2022, date d’expiration.

Franchement, il y a anguille sous roche, bien que le directeur de CPN Distributors Ltd, Akash Chuttoo, clame sur tous les toits que son produit « à aider à sauver des vies. ». Gros gaspillage en vue.

Trois questions dérangeantes se posent. Primo, pourquoi prendre la totalité de ce stock alors que la veille un contrat a été alloué à Mauritius Pharmacy pour 800 000 doses et un engagement pris avec Dr Reddy pour 1,2 million de doses ? Ces deux cargaisons sont attendues avant la fin de l’année. Le flou total entoure cette acquisition, car on ne sait pas si le deal CPN Distributors Ltd va rendre caducs les accords avec Mauritius Pharmacy et Dr Reddy Laboratory ? 

Dans son « Urgent Statement » à l’Assemblée nationale, mardi soir, le ministre de la Santé, Kailash Jagutpal, n’en a pas pipé mot. Il n’est pas étonnant que le ministère honore les trois engagements pour se retrouver avec près de 3 millions de doses sur les bras. En d’autres mots, pour traiter 75 000 patients. Car la mauvaise gestion du stock qui se solde par des centaines de millions de roupies de médicaments avariés est dénoncée systématiquement dans le Rapport de l’Audit.

Soupçon de surfacturation

Secundo, est-ce que le ministère de la Santé avait pris la peine de s’enquérir de la différence des prix ? Il a accepté de payer Rs 79.92 pour une version générique, voire dix fois plus que celui agréé de Mauritius Pharmacy. Et aussi plus élevé que celui des Molnupiravir produits par les producteurs sous licence de Merck : Trident Health Care (Rs 33.25), IBL (Rs 46.13) et Dr Reddy (Rs 74). Un nouvel élément est à ajouter à ce dossier. Une cotation d’Optimus Pharma, le fournisseur de CPN Distributors Ltd, de Rs 17.50 l’unité est en circulation. Or, CPN Distributors Ltd affirme l’avoir acheté à Rs 72, soit quatre fois plus cher. D’où le soupçon de surfacturation qui, certes, sera une des pistes de l’enquête.

Tertio, est-ce que le ministère de la Santé avait consulté les trois autres soumissionnaires s’ils sont en mesure d’assurer la distribution dans les plus brefs délais ? Cela ne semble pas être le cas si on se base sur l’« Urgent Statement » du ministre Kailash Jagutpal.

L’avenir nous confirmera si le « Panic Buying » est artificiel et si la course à l’achat du Molnupiravir est truquée. Déjà la pilule est amère pour quelques fonctionnaires qui ont été suspendus ou contraints à la retraite. Des arrestations ne sont pas à écarter.

 

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