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Démission d’Ameenah Gurib-Fakim en 2018 - Parvez Dookhy : «Difficile d’établir le complot sur le plan purement juridique»

Les participants à l'émission Au coeur de l'info.

Y a-t-il eu complot contre Ameenah Gurib-Fakim ? Le sujet a été abordé lors de l’émission Au Cœur de l’Info sur Radio Plus, hier. Nawaz Noorbux recevait l’ex-présidente de la République, les avocats Parvez Dookhy et Ravi Rutnah et le Senior Lecturer en droit, Rajen Narsinghen. 

Vendredi matin, Radio Plus et le Défi quotidien ont révélé l’existence d’un rapport d’un expert en documents et écriture auprès de la Cour d’appel de Saint Denis à La Réunion. L’expert indique que le brouillon d’une lettre anonyme, datée du 20 mars 2018, contre Ameenah Gurib-Fakim, contient des similitudes avec l’écriture d’un ex-« Senior Advisor » du Premier ministre. 

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D’emblée, l’ex-présidente dira qu’elle est « choquée et révoltée » des allégations portées contre elle dans la lettre. « Je suis choquée par la teneur de la lettre et je suis étonnée que le conseiller au bureau du Premier ministre incriminé soit toujours en poste. Je considère que c’est un complot au sommet de l’État pour me pousser à la démission. Et le fait qu’il soit maintenu à son poste, je me demande s’il a agi seul ou de concert avec d’autres personnes », s’interroge-t-elle. 

Ameenah Gurib-Fakim indique qu’elle se laisse guider par les conseils de son homme de loi sur la marche à suivre et que la saisie d’instance appropriée est à l’étude. « Je ne vais pas brûler les étapes pour que demain on ne vient pas me dire que je n’ai pas suivi les procédures. Je vais suivre les conseils de mon homme de loi et je vais m’assurer que cette injustice soit corrigée », dit-elle, fustigeant au passage qu’en sus des allégations, il y a eu « fuite » de ses relevés bancaires. 

Complot ?

La question de savoir s’il y a eu complot a été débattue avec d’autres invités présents sur le plateau. Parvez Dookhy, avocat au barreau de Paris et constitutionnaliste, estime qu’un complot ne peut être établi simplement à partir de la lettre anonyme, mais estime que plusieurs interrogations subsistent. « La première est de savoir si le conseiller a fait cela de son propre chef ou s’il y a eu une entente avec d’autres personnes. Ensuite, c’est quand même étonnant que la lettre parvienne jusqu’au Premier ministre, sachant qu’il y a un tri qui se fait généralement par son administration. Et enfin, le fait qu’il en fait usage suscite aussi des interrogations. Mais sur le plan purement juridique, le complot est difficile à prouver, surtout avec un Premier ministre en poste et avec la police qu’on connaît », dit-il. 

L’avocat et ancien député du Muvman Liberater, Ravi Rutnah, trouve lui aussi qu’il est difficile de prouver qu’il y a eu complot. « Et si le complot est imputé contre le chef de l’État, c’est très grave », dira-t-il. Idem pour Rajen Narsinghen, Senior Lecturer en droit à l’Université de Maurice. Il juge lui aussi qu’à ce stade, le complot ne peut être établi. Il estime cependant qu’il pourrait potentiellement y avoir une offense de « false and malicious denonciation ». 

La datation

Un point souligné par Ravi Rutnah durant l’émission est la date de la lettre anonyme, soit le 20 mars 2018. L’avocat fait remarquer que l’ex-présidente avait déjà soumis sa démission trois jours plus tôt, soit le 17 mars, laquelle prendra effet six jours plus tard, soit le 23 mars. « Je ne défends personne, mais je me demande dans quelle mesure cette lettre a pu être utilisée pour pousser l’ex-présidente à la démission », s’interroge-t-il. 

Rajen Narsinghen est cependant d’avis que la lettre anonyme n’a pas été sans conséquence. « L’avènement de la lettre, une fois Ameenah Gurib-Fakim poussée à la démission, vient comme un justificatif additionnel, en sus des dénonciations qu’il y avait contre l’ex-présidente dans la presse, et lui faire porter le chapeau dans toute l’affaire Alvaro Sobrinho », est-il d’avis.  

Quant à l’avocat Parvez Dookhy, il demandera si la lettre a été réceptionnée officiellement par le bureau du Premier ministre. « Si nous sommes dans une hypothèse de complot, la date est seulement une mention, pouvant être antidatée ou postdatée. La question mérite donc d’être posée. Il ne faut pas prendre la date comme quelque chose de certain », dira-t-il. 

L’ex-présidente réfute les allégations 

Ameenah Gurib-Fakim a aussi été appelée à commenter les allégations faites contre elle dans la lettre anonyme. L’ex-présidente niera posséder des villas et appartements à l’étranger. « J’ai été étonnée d’apprendre cela dans la lettre anonyme aujourd’hui [ndlr : vendredi]. Je ne possède aucune propriété ailleurs », dit-elle. L’ex-présidente dément également avoir voyagé à bord de voitures privées. « Durant ma présidence, j’ai voyagé uniquement dans des véhicules officiels », ajoute-t-elle. Au sujet de l’homme d’affaires angolais, Alvaro Sobrinho, l’ex-présidente concède lui avoir accordé une considération spéciale mais pas uniquement. « J’ai déroulé ce que vous appelez ‘le tapis rouge’, car j’ai l’ambition d’encourager les jeunes à la science. C’est tout ce dont auquel j’étais intéressée et c’est ce que je fais encore aujourd’hui, soit la promotion de la science », dit-elle. 

L’ex-présidente a aussi démenti que c’est l’homme d’affaires angolais qui lui avait remis la carte platinum. « La carte m’a été offerte par la Gates Foundation pour promouvoir la science (…). Je pouvais l’utiliser et je l’ai utilisée. Par la suite, j’ai fait le remboursement dans un délai raisonnable », dit-elle, précisant que l’utilisation d’une carte est ce qu’il y a de plus transparent pour les transactions financières. Elle ajoute que l’anicien Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, était au courant de son utilisation de la carte. 

Point faible du rapport

Le rapport du graphologue Patrice Balletti pourrait contenir un point faible. C’est ce qu’a indiqué l’avocat au barreau de Paris et constitutionnaliste, Parvez Dookhy. Selon ses explications, la collecte de l’écriture manuscrite du conseiller au PMO n’a pas été faite comme dans une enquête policière. « Dans une procédure pénale, c’est la police qui aurait demandé à la personne mise en cause d’écrire plusieurs fois et c’est en faisant cela que la personne va trahir sa propre imitation de son écriture. Le possible point faible de ce rapport c’est que le graphologue n’a pas obtenu l’écriture de la personne, la collecte ayant été faite ailleurs sur un document », dit-il. 

Il précise au passage qu’une contre-expertise du rapport du graphologue est possible. « C’est d’ailleurs assez courant dans une procédure pénale, il y a une expertise et une contre-expertise. Une expertise, de surcroît graphologique, est un élément de preuve et non une preuve absolue en soit. D’ailleurs, l’expert ne peut conclure à 100% que c’est l’écriture de X ou Y. Il dira que dans ses éléments de comparaison, il y a plusieurs facteurs qui lui permettent de conclure que ça pourrait être untel, mais il ne peut affirmer à 100% que c’est untel », explique-t-il. 

Et à la question de savoir si le rapport du graphologue pourrait avoir une incidence sur les travaux de la commission d’enquête instituée contre l’ex-présidente et présidée par l’ex-juge Ashraf Caunhye, Rajen Narsinghe, Senior Lecturer à l’Université de Maurice, s’est dit d’abord surpris que le rapport n’ait pas encore été soumis. « Avec tous ces éléments, la commission d’enquête peut être rouverte. Il faut revoir les Terms of Reference. Peut-être qu’incidemment, certains de ces [nouveaux] éléments peuvent s’y retrouver », avance-t-il.  

 

 

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