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Délocalisation des habitants : de la fiction à la réalité

La digue de la pointe du Diable à Bois-des-Amourettes.

L’intensification du changement climatique expose de plus en plus le littoral mauricien au phénomène de montée des eaux. Alors qu’elle relevait de la fiction il y a quelques années, l’obligation de délocaliser les habitants des régions côtières à risque est aujourd’hui une éventualité envisagée par différents experts.

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Environ 180 000 personnes, soit près de 15 % de la population, vivent à proximité de la mer. D’où l’urgence, au rythme auquel évolue le changement climatique et le risque inhérent de montée des eaux, de prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les habitants des zones côtières submersibles. Leur délocalisation, à moyen terme, est une possibilité envisagée de plus en plus sérieusement par des experts.

Toutefois, souligne Fabrice David, ingénieur en environnement, « le problème d’érosion côtière n’a pas la même gravité sur l’ensemble des 322 kilomètres du littoral mauricien. » Selon lui, ce sont 8 % du littoral de l’île, soit environ 32 kilomètres de côtes, qui sont dans une situation d’érosion alarmante. « Il s’agit principalement des plages de sable blanc. » D’autres zones côtières sont protégées par des falaises et des obstacles rocheux ou récifaux agissant comme des digues naturelles. 

« La délocalisation des habitants est un drame social, sociétal et humain que personne ne veut voir. Les gens sont attachés à leur région », poursuit Fabrice David. Il s’agirait donc pour lui d’une solution d’ultime recours. « Je pense qu’il faut définir un ‘mapping’ des zones non développables. C’est-à-dire où l’on ne doit plus délivrer de permis de construire. Il faut également déterminer quelles sont les zones submersibles. Autrement dit quels sont les endroits habités qui pourraient devenir inhabitables. Il faudrait se baser sur la progression de l’érosion actuelle en considérant que la situation pourrait s’accélérer. On doit envisager le ‘worst case scenario’ et faire une modélisation de l’érosion sur les vingt prochaines années. Cette modélisation permettra de définir les zones qui seront potentiellement inhabitables d’ici vingt ans », propose-t-il. 

Lourd processus

Nadeem Nazurally, Senior Lecturer en science océanique à l’université de Maurice, pense qu’il faudra se résoudre à délocaliser les habitants domiciliés dans certaines zones à risque du littoral. Mais, précise-t-il, « c’est un processus lourd qui prend du temps car de nombreux facteurs (économique, humain, social, psychologique, entre autres) doivent être pris en considération par les autorités ». D’où l’importance, dit-il, de procéder au cas par cas en menant une étude sur chaque site. « Dans certaines zones, la solution est la construction d’infrastructures adaptées. » Par ailleurs, il estime que les hôteliers doivent se soumettre aux exigences des autorités en éloignant leurs façades de la mer. « Il faut aussi construire davantage de murs de rétention et de digues autour des hôtels faisant face à la plage. » 

Ce sont 8 % du littoral de l’île, soit environ 32 kilomètres de côtes, qui sont dans une situation d’érosion alarmante"

Pour nos interlocuteurs, c’est une vision sur le long terme et basée sur des données scientifiques qui doit être adoptée par les décideurs politiques. « Nous ne pouvons plus raisonner sur un mandat de cinq ans. Il faut raisonner à l’échelle d’une génération, soit environ 20 ans. La délocalisation d’une population à cause de l’érosion n’est plus de la fiction, cela deviendra une tragique réalité. Ce sera chagrinant de devoir en arriver là. C’est pourquoi toutes les mesures préventives doivent être introduites dès maintenant, sinon la prochaine génération souffrira de nos manquements », affirme Nadeem Nazurally. 

Au niveau des collectivités locales, on assure que la situation est pour le moment sous contrôle. Surtout après l’implémentation de diverses mesures visant à freiner l’érosion des plages. « La vigilance est toutefois de mise », fait-on comprendre au conseil de district de Rivière-Noire, qui englobe 13 villages de l’Ouest, dont Baie-du-Cap, une localité qui est souvent la proie de la montée des eaux. Le conseil de district de Savanne, quant à lui, surveille attentivement les côtes de Rivière-des-Galets et Chamouny. Le village de Rivière-des-Galets avait en effet été affecté à plusieurs reprises par des montées des eaux dans les années 90. 

Des travaux de protection côtière en cours sur 16 sites

« Nos ingénieurs et techniciens suivent la situation de près, ils mènent des études et soumettent des rapports », indique-t-on au ministère de l’Environnement. Des chantiers de protection côtière, explique-t-on, sont en cours sur 16 sites à risque pour freiner l’érosion des plages. Entamés en 2022, ces travaux devraient s’achever en 2025. Les localités concernées sont Pointe-d’Esny, Pointe-des-Régates, Riambel, Rivière-des-Galets, Blue-Bay, La Preneuse, La Prairie, Bel-Ombre, Saint-Félix, Bois-des-Amourettes, Poste-de-Flacq, Pointe-des-Lascars, Trou-Chenille au Morne, La Mivoie à Rivière-Noire, Albion, et Trou-aux-Biches. Le ministère de l’Environnement a également enclenché des travaux sur deux kilomètres de côte entre Rivière-des-Créoles et Vieux-Grand-Port.

 

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