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Décrochage scolaire : 60 % de ceux admis en Grade 1 n’arrivent pas jusqu’en HSC

Seuls 40 % de ceux admis en Grade 1 participent aux examens du HSC.

18 327 enfants sont entrés en Std I en 2010. À la fin de ce cycle, il n’y a que 7 528 élèves qui ont pris le Higher School Certificate. Ce qui constitue que 40 % du nombre admis en Grade 1. Un constat qui interpelle des pédagogues.  

«Un affligeant constat ! Un système éducatif gangrené qui subit une lente hémorragie durant la scolarité de ses participants. Autour de 40 % des élèves qui entament le cursus primaire, émergent du secondaire avec le Higher School Certificate treize à quinze ans plus tard. Je ne suis pas de ceux qui accablent les autorités de tous les maux. Notre système d’éducation, pour imparfaite qu’elle puisse être, a de belles réalisations à faire valoir », avance le pédagogue Lindsay Thomas. 

Il souligne que ceux qui ont fréquenté les meilleures universités du monde ne tarissent pas d’éloges à l’égard de leur scolarité en terre mauricienne. « Le Professeur Steeve Sider, de l’Université Wilfrid Laurier du Canada, en visite chez nous, a raison de saluer la très bonne prestation de notre système d’éducation, dont le défi principal est de gagner la bataille contre l’exclusion scolaire sous toutes ses formes. »

Ce qui retient les enfants hors de l’école

Lindsay Thomas cite quelques raisons de certaines situations qui ne motivent pas l’enfant à rester en classe. Il avance que ceux qui sont peu ou pas scolarisés du tout sont privés de tout et leurs besoins vitaux ne sont que très marginalement satisfaits par la générosité. Selon lui, très peu d’entre eux connaissent l’éducation préscolaire. De plus, par la force des choses, la plupart des enfants durant la scolarité primaire vivent une expérience chaotique. « Au secondaire, le constat des éducateurs est qu’ils ont été inadéquatement scolarisés. Le collège tient lieu de garderie. La moindre opportunité de s’éloigner de l’école est exploitée à fond. Les échecs aux examens, les difficultés à s’adapter au code de conduite de l’établissement, entre autres. Certains élèves ont définitivement tourné le dos à l’école au lendemain de la covid-19. »
Où vont les élèves qui décrochent ?

Selon Lindsay Thomas, les filles restent à la maison, pour aider aux tâches ménagères, dans des familles souvent élargies. D’autres filles ou garçons passent leur temps dans la rue. Ils s’exposent aux prédateurs qui y trouvent une main-d’œuvre docile. Dans certains cas, l’école, aussi inclusive et accueillante soit-elle, part battue d’avance.« Ce

rtains font de petits métiers, au nez et à la barbe des autorités, qui ont décrété la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, sous peine de sanctions à l’égard des parents fautifs. » 

Il existe également ceux qui sont hors du circuit scolaire pour se joindre à la formation professionnelle dans des organismes spécialisés ou en apprentissage légal en entreprise. 

Comment  retenir les élèves  à l’école ?

Selon Lindsay Thomas pour retenir les enfants, il faut une volonté politique de construire une république ambitieuse, généreuse et prospère. « Un pays qui aura l’audace et le courage de se réinventer ; une nation dont la pierre angulaire est l’école ! »

Le pédagogue insiste pour un rebranding de l’école. Il plaide pour une formation pluridisciplinaire et continue des maîtres pour que les apprenants puissent toujours donner le meilleur d’eux-mêmes. Il est d'avis qu'il ne faut pas lésiner sur les moyens matériels et financiers. Il préconise un audit fréquent et sans complaisance de tous les éléments constitutifs de la machinerie éducative nationale. La structure organisationnelle doit être flexible, agile et capable de saisir les opportunités du monde globalisé. Et la bataille contre la pauvreté et l’exclusion doit être livrée et gagnée.

Tout revoir

Soondress Sawmynaden, un recteur à la retraite, fait ressortir que le système éducatif local est trop compétitif et sélectif. « Il nous faut revoir le système éducatif au niveau du primaire de fond en comble. Il est vrai que des élèves qui échouent le Primary School Achievement Certificate (PSAC) sont rattrapés par  l’Extended Programme, grâce à la réforme éducative. La base est importante. Si les problèmes sont résolus au niveau du primaire, la qualité des résultats serait améliorée. Malheureusement, les élèves qui sortent de l’école primaire ne savent pas écrire leur nom et ne savent pas compter. »

Soondress Sawmynaden ajoute que l’autre niveau où il y a un tri des élèves est le School Certificate (SC). Les élèves doivent obtenir cinq credits pour passer en Grade 12. « Je suis pour que le critère de cinq credits soit appliqué pour passer à la classe supérieure. Cependant, il faut qu’il y ait un système pour que tous les élèves puissent obtenir ce résultat et ne pas dire  que l’élève qui n’obtient pas ce résultat ira dans un établissement polytechnique. »

Selon cet ancien recteur, le problème réside dans l’apprentissage. L’élève apprend ses leçons par cœur et à la fin ne comprend rien de ce qu’il a appris et ne peut pas réfléchir. 

« Je pense qu’il faut tout revoir à la base. Il est important de faire une étude pour savoir où il y a lieu d’intervenir et de comprendre que chaque enfant est unique. Il n’y a pas deux enfants pareil. C’est le système pédagogique qu’il faut revoir dans l’intérêt de tous les enfants… » 

Réussir sa vie 

Un des objectifs du Service diocésain de l’éducation catholique (SeDEC) est de donner à l’enfant tout ce dont il a besoin pour devenir un adulte épanoui. Le chargé de communication du SeDEC, Clive Anseline indique que cet individu deviendra un cadeau pour la société, s’il est bien guidé. Ainsi, l’apprentissage commence dès le primaire, où il y a tout un programme qui assure ce développement. 

Il cite « Les amis de Zippy » qui est un programme scolaire qui vise à promouvoir le bien-être émotionnel et social des enfants. Il est mis en place en Grade 2 dans les écoles primaires. 

Les centres d’écoute contribuent à alléger les difficultés émotionnelles et/ou psychologiques. Il y a aussi « l’éducation à l’affectivité et à la sexualité » qui est un programme, destiné aux enfants de Grades 5 et 6. 

Clive Anseline précise que le SeDEC respecte la foi de chaque élève. Pour la fête nationale, la directrice exécutive du SeDEC, Dr Gilberte Chung a fait ressortir que : « le système éducatif doit être repensé pour offrir une véritable égalité de chances et un apprentissage solide des compétences essentielles : lire, écrire, compter, savoir-vivre, savoir-faire et savoir-être. Trop d’enfants et de jeunes sont exclus faute de résultats satisfaisants aux critères établis. Ils perdent leurs repères alors qu’ils représentent l’avenir de notre nation. »

Safire s'occupe de 500 adolescents 

Edley Maurer, travailleur social, éducateur et manager de l’organisation non gouvernementale Service d’accompagnement, de formation, d’intégration et de réhabilitation de l’enfant (Safire), dresse un tableau sombre des enfants avec lesquels, il est en contact. « Un certain nombre d’élèves ne terminent pas le primaire, d’autres n’entrent pas au secondaire. Nous sommes en contact avec plusieurs d’entre eux et nous essayons de les récupérer. »

Ces derniers, selon Edley Maurer, sont dans une phase cruciale d’adolescence et ont besoin d’aide. « En ce moment, nous sommes en contact avec 500 adolescents environ qui ne se retrouvent pas dans le système. Ils sont âgés de 12 à 15 ans et ne savent pas lire et écrire pour la plupart. Le système en place ne leur convient pas. Il faut le revoir et s’assurer qu’aucun enfant ne reste sur la touche… » 

Le travailleur social estime qu’il y a une injustice vis-à-vis des enfants qui ne peuvent pas réussir académiquement. « Les autorités auraient dû offrir aux enfants qui n’arrivent pas à étudier l’occasion d'apprendre un métier et de travailler. Aujourd’hui, nous voyons des étrangers travailler comme maçon, boulanger ou dans les grandes surfaces. Pourquoi ne pas offrir ces emplois à nos enfants ? Si c'était le cas, il y aurait davantage de Mauriciens sur le marché du travail… »

Au niveau de Safire, les responsables font de leur mieux pour encadrer les enfants et les former au niveau de National Certificate 1, avec le concours de la National Social Inclusion Foundation (NSIF). Edley Maurer explique que c’est une base qui leur permet de suivre des cours du National Certificate 2 et du National Certificate 3. 

« Le problème des enfants qui ne se retrouvent pas à l’école, c'est qu'ils sont oisifs. Il faut les encourager à faire du sport et à avoir des activités saines… »

Les écoles ont le devoir d’aider les enfants 

Dr Om Nath Varma, sociologue et conseiller au ministère de l’Éducation, fait un constat de la situation des enfants. « Nous sommes conscients du fait qu’un certain nombre d’enfants n’achèvent pas le cycle scolaire, en raison de divers problèmes liés à leur milieu et au soutien pour réussir à l’école. Cependant, il incombe à l’école de trouver des moyens de travailler avec une diversité d’élèves dans les écoles primaires. Il est essentiel de les aider à réussir, malgré les problèmes auxquels ils sont confrontés en dehors de l’école. C’est pourquoi nous disons que les écoles ont l’obligation d’aider les enfants à rompre avec les effets du cycle de la pauvreté. »

Il ajoute que les changements peuvent ne pas apparaître immédiatement. Mais il faut qu’ils soient progressifs au fil des années, alors que les mesures sont prises dans les écoles primaires. « En fait, il y a dans nos écoles, pour la première fois dans notre histoire, un nouveau grade d’éducateurs, il s’agit des ‘Support Teachers’. Ils ont été formés afin de fournir un soutien à l’enseignant de la classe pour aider les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage. Nous avons constaté de meilleurs résultats au niveau du School Certificate (SC) l’année dernière par rapport aux années prépandémiques. Ce qui est un signe positif. »

Néanmoins, pour que le changement opère, il est nécessaire que tous les acteurs jouent leurs rôles. « Si nous avons choisi cette profession, nous ne pouvons pas abandonner et rejeter la faute sur autrui. Cette attitude ne concerne pas seulement les enseignants, mais tous les cadres de direction qui fournissent le soutien et donnent le ton pour une meilleure éducation. »

Mesures de soutien

Au niveau de l’école, le ministère de l’Éducation a mis en place plusieurs mesures. Ainsi, au primaire, l’Early Support Programme vient en aide aux enfants qui ont des difficultés d’apprentissage. Vishal Baujeet, président de la Government Teachers’ Union (GTU), fait ressortir que ce programme aide les écoliers à acquérir des compétences de base en literacy et numeracy. 

Les instituteurs engagés dans ce programme utilisent divers matériels comme de la pâte à modeler, la peinture, les crayons pour motiver les élèves. 

L’Early Support Programme a été mis en place en 2018, dans le cadre de la Nine Year Continuous Basic Education. Il vise à évaluer les compétences des enfants qui sont dans une même salle de classe. Puis, il revient aux instituteurs d’identifier les forces et les faiblesses de chacun. Ceux qui éprouvent des difficultés dans une des leçons sont pris en charge par le Support Teacher. Par la suite, l’enfant peut retrouver ses petits amis dans sa classe initiale. 

Le Support Teacher s’occupe de huit écoliers au maximum, qui ont obtenu moins de 30 points, lors des évaluations. 

Valorisation des Support Teachers 

Les Support Teachers ont un Teacher's Certificate. Toutefois, certains souhaitent être formés et veulent obtenir un diplôme. Cette progression leur permettra d’avoir d’autres avantages.

Au niveau du secondaire, les autorités proposent des programmes de soutien. L’Extended Programme est destiné aux élèves qui ont échoué le Primary School Achievement Certificate. Cette filière, d’une durée de quatre années, les amène à prendre les examens du National Certificate of Education (NCE). Si l’élève obtient le niveau requis, il passe au niveau du mainstream. Sinon, il est récupéré au niveau de la Technology Education. Celle-ci a été introduite au début de 2024 et compte une moyenne de 1 000 élèves. Ceux qui n’obtiennent pas les cinq credits, pour passer en Grade 12, peuvent se diriger vers un des centres du Mauritius Institute of Training and Development (MITD) et de Polytechnics Mauritius. Selon un préposé du ministère de l’Éducation, la réforme éducative permet à chaque enfant de trouver sa place dans le système éducatif. Des psychologues accompagnent les élèves en difficulté tout au long de leur parcours.

Parcours des élèves de Std 1 au HSC 

Les tableaux qui suivent montrent le parcours des élèves du primaire au secondaire. Les chiffres du Central Statistics Office permettent de déterminer combien d’élèves ont commencé en Std I (Grade 1) et combien sont arrivés au niveau du Higher School Certificate (HSC).  Dans ces deux tableaux, les cohortes prises en compte sont des élèves dont la scolarité a été affectée par la Covid-19. Le gouvernement a permis à ceux qui sont restés dans le système de terminer leurs parcours.

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