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Déclin de l’anglais: des mesures pour inverser la courbe

Année après année, la performance des élèves en anglais continue à chuter. Les statistiques du Mauritius Examinations Syndicate ne font que confirmer cette tendance. Plusieurs  mesures seront mises en œuvre dans le cadre de la reforme éducative pour changer la donne. À quel point seront-elles efficaces ? Le déclin de la qualité de l’anglais des élèves mauriciens ne date pas d’hier. De moins en moins de candidats aux examens internationaux parviennent à décrocher une distinction dans cette langue, selon les chiffres du Mauritius Examinations Syndicate (MES). Pis, la qualité est en baisse, tant à l’oral qu’à l’écrit. Pédagogues et autres experts s’y attardent dans l’espoir de trouver des mesures pour inverser cette courbe. Un forum-débat a été organisé, le lundi 25 avril, par l’English Speaking Union (ESU) avec la collaboration de la branche mauricienne de l’Université Aberystwyth, pour se pencher sur la question. Le thème : The Decline of the English language in Mauritius and Proposed Measures. Il était tenu dans le cadre de la Journée mondiale de la langue anglaise, observée le 23 avril dernier. Il existe des moyens pour rehausser la qualité de l’anglais chez les apprenants mauriciens, selon les panélistes. Quels sont-ils ?

Système dynamique

Il existe des lacunes dans notre système éducatif qui résultent en une baisse dans la performance en anglais de nos élèves, selon les panélistes. Il est alors indispensable de revoir la base même de l’éducation à Maurice. C’est, en effet, ce que soutient Toshanand Beekarry, du département des recherches au MES. Pour lui, il est primordial d’améliorer les méthodes d’enseignement. « Le système éducatif actuel est trop focalisé sur la réussite aux examens. Il existe la fâcheuse tendance d’enseigner les langues comme une matière. Les élèves apprennent des règles par cœur sans vraiment les maîtriser. Cela permet de réussir aux examens, mais il est difficile pour les apprenants de manier la langue. Il nous faut donc un système dynamique et qui aide les élèves à exploiter tout leur potentiel », explique Toshanand Beekarry. En ce qui concerne la langue anglaise, le cadre au département des recherches au MES soutient qu’elle ne doit pas être enseignée à la légère. « Les langues sont des sujets complexes. On ne peut se fier aux manuels scolaires. Il faut trouver des moyens pour les enseigner de façon créative. » C’est le concept de Nine-Year Continuous Basic Education qui apportera des changements, estime Helina Dookhee, chargée de cours au Mauritius Institute of Education (MIE). Celle-ci précise que les autorités se concentrent sur les moyens de redynamiser le secteur éducatif. « Nous sommes conscients de la baisse du niveau d’anglais. Il faut promouvoir un système éducatif qui favorise l’utilisation de la langue anglaise. L’apprenant doit pouvoir suivre l’évolution de cette langue dans un contexte global. Nous travaillons sur la mise en œuvre de nouveaux outils pédagogiques dans le cadre de la réforme éducative. La formation des enseignants pour l’utilisation de nouvelles méthodologies est notre priorité », lance Helina Dookhee. Et d’ajouter qu’une attention particulière sera accordée à la qualité, soit le respect des règles grammaticales, entre autres.

Plus d’accent sur la communication

Pour le Dr Satish Mahadeo, Associate Professor à l’Université de Maurice (UoM), les méthodes utilisées dans nos institutions pour enseigner la langue anglaise sont tout à fait dépassées. « L’accent n’est pas mis sur la communication. L’articulation et la prononciation sont parmi les plus gros manquements de nos élèves et des Mauriciens dans l’ensemble. On peut maîtriser l’écriture sans pouvoir communiquer de façon rationnelle. Pour y arriver, il faut impérativement revoir la formation de nos enseignants. Il faut également améliorer l’infrastructure, afin de permettre aux apprenants d’utiliser la langue comme un outil de communication », explique l’Associate Professor. Pour permettre aux élèves d’être à l’aise dans une langue étrangère, certains pays encouragent les voyages d’échanges linguistiques. Ce qui aide les élèves à mieux communiquer. Daniel, prof d’anglais dans un collège confessionnel, souligne qu’il est vrai que par faute de temps, les enseignants sont parfois obligés de se contenter du traditionnel. Toutefois, il suffit d’un peu d’ingéniosité et de faire preuve de créativité. « Il y a de nombreux outils disponibles gratuitement sur la Toile. C’est le rôle de l’enseignant de faire des recherches pour aider les élèves à avancer. Le théâtre et les exercices de mise en scène peuvent être utiles pour améliorer la communication », explique Daniel.

Une meilleure exposition à la langue

De nombreux didacticiens s’accordent à dire que pour améliorer la performance des élèves en anglais, l’exposition à cette langue est primordiale. Il est aujourd’hui un fait que les apprenants lisent de moins en moins. Mais que faire pour les inciter à lire ? Tris Bartlett, directeur du British Council (Mauritius), explique que la littérature peut aider à promouvoir la langue anglaise. « Les Mauriciens ont le potentiel. Nombreux sont ceux qui font des efforts remarquables même s’ils n’ont pas les qualifications requises. Je suis d’avis qu’avec une meilleure exposition, nous parviendrons à améliorer la qualité de l’anglais. C’est dans cette optique que le British Council compte proposer une nouvelle structure. Nous allons mettre en place une librairie dynamique. Nous prenons également en considération le fait que plusieurs jeunes sont constamment connectés. De facto, nous allons redynamiser les services en ligne que nous offrons », fait ressortir Tris Bartlett.  
 

Mahend Gungapersad: « Tout commence à la maison »

Pour le pédagogue Mahen Gungapersad, le déclin de l’anglais est dû à de nombreux facteurs. Tout d’abord, il explique que les élèves n’ont pas tous des chances égales. « Tout commence à la maison, puis à l’école et au niveau de la société. Beaucoup de familles n’ont pas la possibilité d’aider leurs enfants dans leur apprentissage de l’anglais à la maison, les parents ne maîtrisant pas cette langue. Donc, ils ont un retard sur leurs camarades de classe, qui sont parfois plus économiquement et socialement chanceux. C’est pour cette raison qu’ils ne travaillent pas bien à l’école et ces mêmes enfants sont parfois négligés. Pourtant, ce n’est pas de leur faute s’ils ne sont pas assez exposés à cette langue, que ce soit à travers les médias ou d’autres moyens de communication », explique le pédagogue. Mahen Gungapersad soutient que tout commence dès le préscolaire. « Ces maternelles ne travaillent pas de la même façon et ne sont pas sur un pied d’égalité. Cela se reflète ensuite sur leur performance académique. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que l’anglais n’est pas notre langue maternelle. En réalité, c’est une troisième, voire une quatrième langue, derrière le créole, le français ou encore le bhojpuri. Donc, c’est pour cette raison qu’il est difficile pour l’enfant de développer des aptitudes en ce qui concerne la lecture ou l’écriture de l’anglais. » Le pédagogue s’attarde également sur les méthodes d’enseignement qui, selon lui, n’aident pas vraiment les apprenants. « Il faut revoir la formation des enseignants car il faut leur donner tous les outils nécessaires pour mieux enseigner cette langue. Les professeurs doivent avoir plus qu’une connaissance linguistique et non seulement connaître la littérature ou la phonétique. Il faut une approche tout à fait différente et utiliser des outils modernes et interactifs, afin que l’apprentissage se fasse de manière bien plus attrayante. Par exemple, en utilisant le Net comme des vidéos sur YouTube. »  
 

Barlen Vyapoory: « Il faut rehausser le statut de l’anglais »

« Il est très important de rehausser le statut de l’anglais à Maurice. » C’est ce qu’a souligné le vice-président de la République, pédagogue et membre de l’English Speaking Union (ESU). Les Mauriciens doivent absolument comprendre que la maîtrise de la langue anglaise est une exigence incontournable, selon lui. « La maîtrise de l’anglais peut ouvrir de nombreuses portes, tant sur le plan commercial que touristique. Il faut aider les jeunes et leurs parents à se rendre compte de l’importance de cette langue. C’est, selon moi, le seul moyen qui va nous permettre de rehausser son statut dans le contexte mauricien », souligne Barlen Vyapoory. Il y a certes un gros travail à faire, surtout en ce qui concerne la qualité, selon notre interlocuteur. « On peut exceller en sciences ou dans les autres matières, mais si on ne maîtrise pas l’anglais, cela ne sert à rien. Nous gardons espoir que la réforme va redynamiser notre système éducatif », fait comprendre le vice-président de la République.
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