Manfred Bhujoharry, âgé de 82 ans, nous a quittés le vendredi 4 février 2022. Son nom de famille est associé à l’éducation. Son père, Alex et lui ont perpétué la tradition d’offrir aux plus démunis une arme pour avancer dans la vie : l’éducation. Les personnes qui ont connu Manfred Bhujoharry parlent d’un homme qui aimait la vie. Portrait.
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Tous ceux qui ont côtoyé Manfred Bhujoharry vous diront la même chose : il était si doux que personne n’osait élever la voix en sa présence. Une douceur qu’il conservera tout au long de sa vie. Il a marché sur les pas de son père, Alex Bhujoharry, qui a éduqué plusieurs générations de Mauriciens et Mauriciennes. Mais la carrière de Manfred Bhujoharry ne s’est pas limitée à l’éducation. En effet, c’était aussi un politicien avenant, confie Jérôme Boulle, ex-député mauve. Tous deux se sont affrontés en 1982 lors des législatives dans la circonscription no 1. « Nous n’avons pas déterré la hache de guerre, au contraire », relatet-il. « J’ai connu Manfred lors des élections de 1982 au no 1, où nous étions candidats. C’était un homme avenant. Je me rappelle quand on terminait nos réunions politiques, on allait ensemble à l’hôtel Providence, à la rue Desforges, Port-Louis. On partageait du pain, des gâteaux piment et du thé. C’était l’ami de tout le monde, un bon vivant. Il était proche de nos propres agents. On ne pouvait pas l’agresser verbalement, car il était si bon », ajoute Jérôme Boulle.
Ramdass Ellayah, qui a repris les rênes du collège, à la demande des Bhujoharry, se dit attristé par le décès de Manfred. « Je suis très peiné, car j’ai toujours été proche de la famille Bhujoharry. C’était un homme extraordinaire », confie-t-il.
Un mentor
Il ajoute que, même si Manfred était en fauteuil roulant, il se faisait un devoir de rendre visite au collège. « Il voulait absolument que le nom des Bhujoharry demeure au sein du secteur éducatif. Il ne s’est jamais éloigné du collège et de son staff. D’ailleurs, il était venu célébrer avec nous les 100 ans d’un membre du staff. Il venait souvent à la messe aussi. Il était comme un mentor pour nous. Je me suis promis de faire revivre ce patronyme et aujourd’hui, on a trois collèges, à La Tour Koenig, à Quartier-Militaire et à Rose-Belle. Son nom se perpétue », nous dit Ramdass Ellayah.
Lindsay Morvan, directeur du Tourism Authority, est un ancien élève du collège Bhujoharry. « À cette époque, il venait de prendre la relève de son père, Alex, comme directeur. J’étais en Form III et j’ai étudié là-bas jusqu’à la HSC », relate-t-il.
Aujourd’hui encore, il garde d’excellents souvenirs de Manfred Bhujoharry. « Nous étions le premier batch mixte de HSC en 1977, c’était juste après la grève des étudiants. Un jour, le père Henri Souchon est venu au collège pour nous dire qu’un
homme était mort et que sa femme n’avait pas les moyens de payer pour l’enterrement. Le prêtre avait décidé de lui offrir le cercueil, mais il fallait organiser les funérailles. Notre petite équipe a quitté la classe et on s’est rendus chez la veuve. Les filles sont allées cueillir des fleurs à Marie Reine de la Paix, tandis que les garçons ont tout préparé pour l’église de Cassis et le cimetière de l’Ouest. Quand on est retournés au collège, Manfred nous a demandé : êtes-vous des étudiants ou des croque-morts ? » se souvient-il.
Lindsay Morvan nous livre une autre anecdote amusante sur Manfred Bhujoharry. Il raconte : « Un jour, il y avait un déjeuner dansant à Rose-Hill. Tout le staff du collège était invité. Juste après le repas, Manfred a dansé du rock’n’roll. C’était étonnant et magnifique. C’était un bon vivant qui avait le verbe facile. Malheureusement, il a eu le diabète et s’est fait amputer les pieds. »
Ceux qui ont connu Alex ou son fils Manfred vous diront que l’éducation, pour eux, était l’essence même de toute vie. Et c’est vrai, car c’est le passeport pour le mieuxvivre, intellectuellement ou pas.
Pour la petite histoire
Le Bhujoharry College tient son nom de l'illustre famille Bhujoharry d'autrefois. Il a été fondé par Jean Arthur Bhujoharry en 1924 et se situait à Condé Street, Ward IV, Port-Louis. Transféré à la rue St George en 1938, il est resté localisé dans ce quartier très respectable et est devenu l'un de ses joyaux. Le directeur était alors Alex Bhujoharry. Pour lui, tout le monde devait avoir la possibilité de s'instruire. Il voulait que les équipements éducatifs tels que les livres, les enseignants et les bourses soient accessibles à tous. Et que le savoir soit transmis à tous les étudiants, pour qu'ils puissent réaliser leurs aspirations dans la vie. Il s'est efforcé, sans relâche, de donner raison à sa philosophie de l'éducation. Il organisait les cours et les salles de classe sur une base scientifique qu'il avait lui-même élaborée. Maîtreenseignant autodidacte, il a enseigné à de grandes classes comprenant des centaines d'élèves avec un grand succès. La carotte et le bâton ont permis de former et de discipliner une foule d'enseignants qui ont été inspirés pour élever leurs propres normes académiques et se consacrer à leur travail. Les classes en continu à partir de la sixième année, personnellement contrôlées par Alex Bhujoharry, ont produit des éléments humains capables de rivaliser avec n'importe qui, n'importe où. En 1947, le collège a un premier lauréat. Il s’agissait de Veerasamy Naiken, qui a exercé en tant que médecin à Philadelphie, aux États-Unis.
En 1954, Bhujoharry a obtenu trois lauréats : Sydney Louis, Guhreyan Nathoo et Devi Bundhoo. En 1955, M. Sooltan et Ghislaine Camille ont été lauréats. En 1973, Manfred Bhujoharry prend la direction de l'institution. Bien que son approche soit différente, il a fait constamment preuve de compréhension et de souplesse dans sa gestion. Sir Harilall Vaghjee, le premier président de l'ancienne Assemblée législative, et son successeur, sir Ramesh Jeewoolall, étaient tous deux d'anciens élèves de cette institution.
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