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Coupures de courant fréquentes dans plusieurs régions : Maurice fait appel à une centrale électrique flottante

Ce navire électrique flottant de Karpowership est surtout actif en Afrique.

Un bateau générateur d’électricité devrait bientôt être amarré aux Salines, Port-Louis, pour renforcer l’approvisionnement en courant électrique du pays et limiter les risques de black-out dans le pays.

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Dans un contexte de tension croissante sur le réseau électrique national, les autorités mauriciennes, et plus particulièrement le Central Electricity Board (CEB), s’apprêtent à accueillir un navire énergétique flottant.

Le bâtiment, qui fonctionnera comme une centrale électrique, sera amarré aux Salines, Port-Louis. Cette décision intervient dans un contexte où le CEB parvient de plus en plus difficilement à produire suffisamment d’électricité pour alimenter le pays. Car, depuis le début de l’année, plusieurs Independent Power Producers (IPP) ont été temporairement mises hors réseau pour des opérations de maintenance ou de réparation, aggravant les déficits d’approvisionnement. Au niveau de la centrale de Nicolay, opérée par le CEB, des difficultés y ont aussi été notées sur certains moteurs.

La mesure a été évoquée par Ashok Subron, ministre de l’Intégration sociale, de la Sécurité sociale et de la Solidarité nationale et leader de Rezistans ek Alternativ, mercredi soir, à Curepipe, lors d’un congrès dans le cadre des élections municipales. « Le pays est en danger en termes de provision d’électricité », a-t-il déclaré. Selon lui, l’ensemble des moteurs du Central Electricity Board (CEB) et des IPP seraient obsolètes. « Nou bizin fer demars pou gete si kapav fer enn bato vini depi la Tirki, li kouma dir enn lizinn kouran, met li kote  Porlwi laba. Il fournira du courant pour qu’on puisse en avoir durant 10 à 12 mois, car tous les moteurs du CEB sont vieux et les moteurs des IPP ont fait leur temps. Un moteur coûte Rs 4 à 5 milliards. »

La déclaration du ministre est venue confirmer les difficultés structurelles auxquelles est confronté le Central Electricity Board (CEB). Pour Sunil Dowarkasing, consultant en développement durable et ancien stratège de Greenpeace, cette situation critique est le fruit d’un manque flagrant d’anticipation. « La situation est très grave. C’est quelque chose qu’il aurait fallu prévoir depuis longtemps. Le CEB n’a plus de plan d’action depuis la fin de l’Integrated Electricity Plan en 2022 », a-t-il souligné.

Sunil Dowarkasing pointe du doigt une transition énergétique inaboutie. Les données disponibles montrent une baisse continue de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national : 12,3 % en 2021, 10 % en 2022, et 9,8 % en 2023. Les chiffres pour 2024 doivent être publiés en juillet. « Il y a eu une défaillance de planification et de vision. À moins qu’il y ait un plan quelque part, mais il n’a pas été rendu public », dit-il.

Début 2024, des pannes simultanées dans deux unités chez les IPP et la mise en maintenance d’un générateur du CEB avaient généré un manque de 102 mégawatts sur le réseau. « C’est un constat très grave fait par le CEB. Cela démontre un manque de vision complet », souligne-t-il.

La décision de recourir à un navire énergétique flottant, selon lui, illustre les failles du système. « On a failli depuis des années à faire la transition énergétique. Le plan 2013-2022 du CEB visait 35 % d’énergies renouvelables en 2025. S’ils avaient atteint cet objectif, il n’y aurait pas eu de problème aujourd’hui. » Les regards se tournent désormais vers la société turque Karpowership. Face à l’urgence énergétique, c’est vers ce prestataire que le gouvernement devrait se tourner pour dépêcher un navire-générateur vers Maurice. 

Qu’est-ce qu’une centrale électrique flottante?

Les navires énergétiques flottants – ou powerships – sont des centrales électriques maritimes conçues pour fournir temporairement de l’électricité à des pays en déficit de production. Développées notamment par la société turque Karpowership, ces unités autonomes peuvent produire jusqu’à plusieurs centaines de mégawatts et injecter directement cette énergie dans le réseau national à partir d’une sous-station embarquée. Fonctionnant au fioul lourd, au gaz naturel liquéfié ou au biocarburant, ces bateaux sont utilisés par plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, notamment le Ghana, où ils couvrent environ un quart de la demande nationale.

Si cette solution offre une réponse rapide à une urgence énergétique, elle est coûteuse à moyen terme comparé aux investissements dans des infrastructures terrestres pérennes.

Un modèle énergétique à repenser

Pour Sunil Dowarkasing, la dépendance aux IPP, qui représentent 55 % de la production d’électricité à Maurice, empêche la démocratisation de l’énergie. « On devrait investir dans un réseau décentralisé, interconnecté, avec des grids régionaux. Aujourd’hui, ils disent qu’il faut limiter la production d’énergie renouvelable car il n’y a pas de place sur le grid. »

La perspective d’un réseau plus ouvert, permettant à de petits producteurs indépendants d’électricité de participer, est, selon lui, indispensable à toute transition. Il cite l’exemple de La Réunion, où 56,6 % de la production électrique provenait des énergies renouvelables en 2023, selon l’Observatoire Énergie Réunion.

Le gouvernement mauricien s’est engagé à atteindre 60 % d’énergies renouvelables d’ici 2030, avec une neutralité carbone visée pour 2050. Mais pour cela, conclut Dowarkasing, « le CEB doit se réinventer complètement, se moderniser et passer à un système décentralisé ».

 

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