Dans toute démocratie moderne, la justice représente le socle sur lequel repose la confiance des citoyens envers l’État. Elle incarne non seulement l’espoir d’équité et de protection, mais également la promesse d’une gouvernance qui respecte les droits et libertés fondamentaux. Cependant, cette promesse se heurte parfois à une réalité bien différente : la lenteur du processus judiciaire, une lenteur si accablante qu’elle en devient presque une trahison des principes mêmes qu’elle est censée défendre.
Prenons le cas récent de la contestation électorale des législatives de 2019. Cinq années se sont écoulées avant que la Cour suprême ne rende son verdict. Les juges Rita Teelock et Gaitree Jugessur-Manna ont rejeté cette demande sur un point de droit, soulignant que toute contestation des élections doit être introduite par le biais d’une pétition électorale conformément à la Representation of the People Act.
Du coup, le sort de cette plainte, portée par Dev Sunnasy et Ivor Axel Tan Yan, met en lumière un problème systémique que peu osent affronter de manière frontale : la longueur, paraît-il, excessive des procédures judiciaires, notamment dans des affaires d’intérêt public crucial. Et ce n’est pas le seul cas qui traîne… la liste est longue !
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ILLUSION DE LA JUSTICE DIFFÉRÉE
On entend souvent l’adage « justice différée est justice refusée », un principe sur lequel nous devrions méditer à la lueur de cette plainte rejetée. Comment peut-on encore parler de justice lorsque la décision finale arrive à la veille de nouvelles élections, alors même que le mandat contesté est sur le point de s’achever ?
Si cette plainte avait été acceptée, quel en aurait été l’impact ? Le résultat des élections de 2019 aurait été invalidé, mais avec quel effet pratique, si ce n’est un simple exercice théorique sans conséquence réelle car le Premier ministre ne tardera de dissoudre l’Assemblée nationale ?
Cette affaire soulève donc des questions plus larges sur la capacité du système judiciaire à répondre à des enjeux de nature urgente et déterminante pour la démocratie. Les élections sont, par essence, des moments clés dans la vie politique d’une nation. Retarder indéfiniment le traitement des contestations électorales revient à accepter que la justice joue un rôle décoratif plutôt qu’opérationnel.
VERS UNE JUSTICE RÉACTIVE
Face à cette situation, la réflexion sur la création d’une procédure accélérée pour les affaires électorales devient inévitable. L’instauration d’un mécanisme « fast-track » garantirait que ces cas soient jugés dans un délai suffisamment court pour avoir un impact significatif sur la vie politique du pays. Ce n’est pas seulement une question d’efficacité judiciaire ; c’est une exigence démocratique.
Un tel mécanisme ne représenterait pas un favoritisme judiciaire, mais plutôt une reconnaissance du caractère sensible et vital de ces affaires. Laisser traîner une contestation électorale pendant cinq ans revient à non seulement miner la confiance dans la justice, mais également à affaiblir les fondements mêmes de la démocratie. Dans le cadre d’un État de droit, les citoyens ont le droit de contester, mais aussi de voir leurs affaires traitées avec célérité et rigueur.
RESPONSABILITÉ DES ACTEURS POLITIQUES
Toutefois, il serait simpliste de jeter la seule responsabilité de ces retards sur les épaules du système judiciaire. Les acteurs politiques doivent également être tenus pour responsables de l’enchevêtrement bureaucratique qui alourdit et paralyse les processus électoraux et judiciaires. Les réformes nécessaires pour accélérer le traitement des affaires électorales nécessitent une volonté politique forte et déterminée. Ce n’est qu’en combinant une justice réactive avec un cadre politique réformé que l’on pourra garantir des élections transparentes et surtout, immédiatement vérifiables.
DÉRIVE DES DÉMOCRATIES LENTES
Plus largement, cette affaire doit nous alerter sur les dangers d’une démocratie qui se perd dans ses propres lenteurs. Dans un monde où l’instantanéité des décisions et des informations est devenue la norme, il est paradoxal, voire inquiétant, que les institutions démocratiques semblent incapables de s’adapter à cette dynamique. Une démocratie où la justice arrive trop tard est une démocratie qui court le risque de devenir une simple illusion de liberté, vidée de sa substance. Le véritable enjeu ici n’est pas seulement la contestation d’une élection passée, mais aussi la préservation de la vitalité démocratique. La justice doit non seulement être rendue, mais elle doit l’être en temps utile. Autrement, elle perd tout son sens, tout son pouvoir. Et ce faisant, elle trahit la confiance des citoyens, sapant progressivement les fondements de la démocratie elle-même.
REDONNER SENS AU TEMPS DE LA JUSTICE
Alors que nous nous dirigeons vers de nouvelles élections, il est essentiel de tirer les leçons de cette affaire et de réévaluer le rôle du système de la justice dans le maintien de la démocratie. Ce n’est pas un luxe de réformer le système pour qu’il réponde mieux aux exigences de notre époque ; c’est une nécessité impérieuse. Le temps judiciaire ne peut plus être en décalage avec le temps politique. La démocratie en dépend.
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