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Conditions déplorables de stockage : la qualité des médicaments remise en question  

Les médicaments sont entreposés n’importe comment à l’entrepôt aux Guibies.

Le National Audit Report 2022-2023 souligne largement un problème crucial : celui du stockage des médicaments. Cette constatation soulève de sérieux doutes quant à la qualité des médicaments ultérieurement distribués dans les divers centres de santé.

« Les entrepôts ne respectaient pas les réglementations qui exigent que les bureaux veillent à ce que les produits stockés soient maintenus en bon état, utilisables et non endommagés ou détériorés en raison d'un stockage inefficace », indique le National Audit Report 2022-2023, rendu public mardi. À la vue des photographies incluses dans le document, il est légitime de remettre en question la qualité des médicaments reçus par les divers centres de santé publique. Cela est particulièrement préoccupant étant donné la façon dont ces produits pharmaceutiques sont entreposés. 

Comme le souligne le document, les visites effectuées par les officiers du National Audit Office dans trois entrepôts en août et septembre 2023 ont révélé qu’une quantité significative de médicaments et de produits pharmaceutiques était conservée dans des conditions inadaptées, risquées et insalubres. Parmi les lacunes constatées : des fuites d’eau à plusieurs endroits et des plafonds de certains entrepôts dans un état déplorable, représentant ainsi un risque majeur pour la santé. 

Les officiers ont également remarqué que les climatiseurs ne fonctionnaient pas dans quatre pièces du Central Supplies Division (CSD) Plaine-Lauzun, dans la section C de l'ancien bâtiment du Tobacco Board et au rez-de-chaussée du CSD Castel, où les produits pharmaceutiques auraient dû être conservés à une température comprise entre 25°C et 35°C. En sus, l’entrepôt de Plaine-Lauzun était infesté de rats qui ont endommagé de nombreux médicaments malgré les interventions fréquentes du personnel du bureau sanitaire, comme le rapport le souligne. 

Cette situation soulève une fois de plus de sérieux doutes quant à la qualité des médicaments distribués dans les divers centres de santé. Un pharmacien du secteur privé, qui a préféré ne pas être cité, s’interroge sur les responsabilités en cas de découverte de rats dans l'un des entrepôts des importateurs privés. 

Une source bien informée au ministère de la Santé a cependant tenu à se montrer rassurante. « Les normes pour le stockage des médicaments sont respectées », affirme-t-elle. Le département « Procurement » du ministère de tutelle ajoute qu’il existe un système de climatisation pour les produits nécessitant un contrôle de la température de stockage ; que les produits sont stockés sur des palettes et des rayonnages et qu'il existe également des chambres froides pour le stockage de vaccins et d’autres articles réfrigérés. 

Cependant, les différents interlocuteurs que nous avons contactés, qui ont souhaité rester anonymes, soulignent que les produits pharmaceutiques ne devraient pas être entreposés à plusieurs endroits. Cette situation est d’autant plus préoccupante que ces bâtiments loués par le ministère de la Santé n’ont pas été conçus pour le stockage de médicaments. Aussi, le fait d’avoir six entrepôts répartis dans différentes parties de l’île ne permet pas une gestion efficace des produits : médicaments, produits pour la dialyse et autres consommables, affirment-ils. 

En outre, la plupart des bâtiments ont fait leur temps, à l’instar de celui de Plaine-Lauzun, qui date des années 70’, selon l’un de nos interlocuteurs. « Il est essentiel d'avoir un lieu central pour le stockage des médicaments et des produits pharmaceutiques, comme c'est le cas pour les importateurs privés », ajoute-t-il.

Un pharmacien soutient pour sa part que tous les gouvernements successifs n’ont pas accordé une grande importance à l’entreposage des médicaments. Il déplore également que depuis 2016, le gouvernement actuel a annoncé la construction d’un entrepôt moderne à Côte d'Or, mais le projet tarde à se concrétiser, note-t-il. « Un tel projet ne semble pas être ‘vendable’, contrairement à d’autres qui rapporteraient plus de points sur le plan politique, alors que cela devrait être une priorité d’avoir un entrepôt convenable pour les médicaments », ajoute un autre professionnel de santé. Nos interlocuteurs soulignent que jusqu’à présent, seules des solutions palliatives ont été proposées, alors que chaque année, la manière dont les médicaments sont entreposés est critiquée par le Bureau national de l’audit. 

Contrôle

Ce qui est crucial dans le stockage des médicaments et d’autres produits pharmaceutiques, c’est le contrôle de la température et de l’humidité, explique Siddique Khodabocus de l’Association des petits et moyens importateurs de produits pharmaceutiques. Cela garantit un bon stockage, dit-il. En outre, les entrepôts doivent disposer d’un bon système d’aération et être dans un état de propreté irréprochable. « Si des rats ont été trouvés dans un entrepôt, c’est parce que les normes de propreté n’ont pas été respectées », souligne Siddique Khodabocus. 

Cependant, le ministère de la Santé affirme qu’un contrat de lutte contre les nuisibles et les rongeurs a été attribué à un prestataire de services spécifique, qui effectue des interventions régulières dans les entrepôts sur une base mensuelle.

Pour Siddique Khodabocus, la centralisation du stockage des médicaments permettra une meilleure gestion des stocks et garantira le respect de toutes les normes requises. Un point de vue partagé par tous les professionnels de la santé du service public qui ont accepté de répondre sous couvert d’anonymat. « Bien que les normes soient respectées, le fait de stocker tous les produits dans un seul lieu permettrait une meilleure gestion et un contrôle plus efficace », affirme l’un d’eux.

En sus, les employés devraient disposer de tous les équipements nécessaires pour le déplacement des médicaments lors de leur livraison, notamment des chariots élévateurs. « Nous aspirons à faire de Maurice un hub médical dans l’océan Indien, mais nous continuons à utiliser des méthodes archaïques dans les entrepôts du service public », s'insurge un professionnel de santé.  Le ministère de la Santé affirme cependant que la gestion des médicaments a été informatisée grâce au Système de Gestion Électronique des Stocks (EIMS), ce qui permet une meilleure gestion. À travers ce système, il devrait y avoir moins de gaspillage de médicaments et le ministère devrait se retrouver avec moins de produits périmés en stock, nous a-t-on assuré.

Le département « Procurement » du ministère de la Santé souligne également qu’une liste de produits dormants ou à rotation lente est distribuée aux utilisateurs (pharmaciens et prescripteurs) afin de maximiser l’utilisation des médicaments dans la mesure du possible. Un comité de suivi des stocks, composé de pharmaciens et de membres de la direction, a été mis en place pour examiner les listes de produits pharmaceutiques en rupture de stock à la Central Supplies Division (CSD) et les commandes en attente de livraison et/ou le délai de livraison prévu. 

Pour les articles en rupture de stock en attente de livraison, le département concerné a recours à des exercices d’approvisionnement transitoire afin de garantir un approvisionnement continu des hôpitaux en médicaments.

 

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