L’audition de Dass Appadu, mercredi, par la commission Caunhye, a surtout mis en exergue le désamour entre l’ancienne présidente, Ameenah Gurib-Fakim et un de ses anciens proches collaborateurs. Si Dass Appadu s’était révélé être le bras droit de l’ancienne chef d’Etat, tout semble indiquer qu’il s’agit dorénavant de l’histoire ancienne.
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Voici l’essentiel de l’audition de l’ancien secrétaire à la Présidence.
Ashraf Caunhye : Vous avez occupé le poste de secrétaire à la Présidence de 2012 à 2016 ?
Dass Appadu : Oui
A.C. : Quand avez-vous intégré la Fonction publique ?
D.A. : En 1974
A.C. : Vous avez été pris vos fonctions de secrétaire à la Présidence à l’installation de Mme Ameenah Gurib-Fakim ?
D.A. : Non. J’ai aussi été secrétaire à la Présidence sous M. Kailash Purryag, soit depuis novembre 2012.
(Le faut fonctionnaire a également confirmé avoir été transféré de son poste de secrétaire à la Présidence, le 4 novembre 2016. Suite à ce transfert, d’autres types d’aide est accordé aussi bien a été en congé jusqu’au 10 novembre. Il a par la suite pris ses nouvelles fonctions au ministère de la Fonction publique le 11 novembre, avant de repartir en vacances à partir du 15 novembre et ce jusqu’au 29 décembre).
A.C. : Vous avez en décembre 2016 reçu une offre d’emploi d’Alvaro Sobrinho Africa Ltd (ASA) pour être le Managing Director (MD) ou Chief Executive Officer de Vango Property qui est une subsidiaire de ASA group ?
D.A. : Oui
A.C. : Il me semble que vous avez reçu l’offre en février 2017 et avez ainsi demandé, en février, un leave without pay d’une durée d’un an.
(Dass Appadu, a par la suite été invité par le président de la commission à lire une correspondance qu’il a adressée au secrétaire du cabinet lui informant de son intention de prendre de l’emploi chez Vango Property. Dass Appadu a fait savoir qu’il s’agit d’une compagnie opérant dans le secteur des services financiers qui se proposait d’investir plusieurs milliards de roupies à Maurice)
A.C. : Quelles étaient les conditions d’emploi qu’on vous avait offertes ?
D.A. : On m’avait offert un salaire de 10 500 dollars américains par mois, trois billets d’avion par mois ainsi qu’une voiture de compagnie.
A.C. : Vous avez par la suite obtenu une réponse du secrétaire du cabinet, le 21 février 2017 pour vous informer que votre congé sans solde a été approuvé
D.A. : Oui
A.C. : Vous êtes fonctionnaire depuis une quarantaine d’années et vous décidez de demander un congé sans solde. Qu’est-ce qui vous a encouragé à prendre un congé de la Fonction publique ?
D.A. : Je tiens à préciser qu’on m’a fait une offre d’emploi après mon départ de la State House. L’ancienne présidente m’a, en plusieurs occasions, informé que mon départ l’a beaucoup attristée et elle s’est souvent plainte des employés de la State House qui étaient, selon elle, ‘useless’. Elle m’a aussi expliqué qu’elle avait toujours besoin de mes services. L’ancienne Présidente m’a aussi dit qu’elle pouvait me faire avoir de l’emploi, mais je lui ai dit que j’avais des engagements familiaux. C’est alors qu’elle m’a dit qu’elle pourrait parler à Alvaro Sobrinho pour me faire avoir un l’emploi. C’est ainsi que j’ai, vers le mois de décembre, obtenu une lettre de Mauricio Fernandes (CEO de Planet Earth Institute (PEI)). Il m’a demandé de venir le rencontrer à Ebène. Je suis allé le voir et c’est alors qu’il m’a expliqué qu’au vu de mon expérience, sa société était en mesure de me faire une proposition d’emploi. Je n’ai à aucun moment demandé de l’emploi.
A.C. : Vous avez commencé à travailler pour Vango Property le 1er mars 2017 ?
D.A. : Non, en fait lorsque j’ai commencé à lire dans les journaux tout ce qui se passait avec Alvaro Sobrinho, j’ai décidé de me tenir un peu à l’écart. Je n’ai au final, jamais travaillé pour Vango Property.
A.C. : Avez-vous, le 7 avril 2017, informé le secrétaire au cabinet que vous avez finalement terminé votre contrat avec Vango Property ?
D.A. : J’ai par la suite reçu un appel du CEO du PEI pour m’informer qu’ils ne comptaient finalement pas aller de l’avant avec le projet que j’avais été appelé à diriger.
A.C. : Vous n’avez donc jamais pris vos fonctions de CEO chez Vango Property.
D.A. : En effet
A.C. : Vous avez donc repris votre emploi dans la Fonction publique. Avez-vous eu droit à des indemnités ?
D.A. : Oui. Trois fois le salaire de 10 500 dollars américains. Environ Rs 1,2 million.
A.C. : Vous avez eu droit à ces indemnités basées sur quoi ? Avez-vous complété votre contrat…
D.A. : Je n’ai pas terminé mon contrat. J’ai rencontré les membres de la direction de PEI et ce sont eux qui ont pris cette décision.
A.C. : Avez-vous reçu une correspondance de PEI pour vous informer de cette décision ?
D.A. : Non
A.C. : Avez-vous continué à vous rendre à la State House, après votre transfert ?
D.A. : Oui. Je me rendais sur une base régulière. Trois à cinq fois la semaine.
A.C. : Quelles étaient les raisons de vos visites ?
D.A. : Je préparais les discours de l’ancienne Présidente, car elle m’a dit que ses employés étaient ‘useless’.
A.C. : Trouviez-vous cela normal de continuer à vous rendre à la State House alors que vous étiez posté au ministère de la Fonction publique ?
D.A. : Ce n’est pas la première fois qu’on me demande de revenir à la State House. Lorsque j’avais été transféré au ministère de la Sécurité sociale, l’ancien président de la République, Kailash Purryag, faisait aussi appel à moi. Je dois dire que l’ancienne Présidente était helpless. Je l’ai aidée pour la bonne cause.
A.C. : Avez-vous informé votre successeur, Nirmala Bheenick, que l’ancienne présidente faisait appel à vos services ?
D.A. : Non. I was concerned with the President.
A.C. : Quelle voiture utilisiez-vous pour vous rendre à la State House ?
D.A. : La voiture officielle qui avait été mise à ma disposition par PEI.
A.C. : Une voiture qui avait été mise à la disposition de qui ?
D.A. : Cette voiture avait été mise à la disposition pour les activités de la PEI par la State House.
Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une intervention. J’ai tout simplement appelé le BOI (à l’ancien CEO, Ken Poonoosamy) pour savoir où on en était avec les demandes de licence de la PEI.
A.C. : Et où était gardée cette voiture ?
D.A. : A Ebène. Au quartier général de PEI.
A.C. : Cette voiture était-elle une Jaguar portant l’immatriculation D 1955
D.A. : Oui.
A.C. : Jusqu’à quand l’avez-vous utilisée ?
D.A. : Mi-janvier.
A.C. : Cette voiture avait-elle été enregistrée à votre nom ?
D.A. : Non.
A.C. : Le fait que l’immatriculation corresponde à votre année de naissance était-ce une coïncidence ?
D.A. : Oui
A.C. : Vous avez fait des requêtes auprès du bureau du Premier ministre en 48 occasions pour qu’Alvaro Sobrinho et ses proches aient accès au VIP Lounge. Une de vos fonctions principales consistait à conseiller la Présidente concernant l’administration et la Constitution.
D.A. : Oui
A.C. : Pourquoi avez-vous fait des requêtes pour des accès au VIP Lounge ?
D.A. : J’ai fait cela ‘on exceptional requests’ de la Présidente.
A.C. : Le 29 avril 2016, vous avez reçu une lettre du bureau du Premier ministre vous informant que l’accès au VIP Lounge n’est pas autorisé aux ONG …
D.A. : Je dois dire que l’ancienne Présidente était bouleversée par cette correspondance. Elle m’avait dit la phrase suivante : « Mo pa kav deman VIP pou bann dimoune ki pe investi par milliard dan Moriss ». C’est ainsi que j’ai, le 29 avril 2016, rencontré le secrétaire au cabinet, Nayen Koomar Ballah. C’est alors qu’il m’a expliqué que lorsque je demande l’accès au VIP Lounge, il me faut bien décrire la nature du business de ces personnes et de mettre l’accent sur le fait que ce sont des invités personnels de l’ancienne présidente. C’est ainsi que j’ai par la suite formulé une nouvelle demande au profit d’Alvaro Sobrinho et son entourage. Je dois dire que je n’ai pas agi de mon propre chef dans tout ça.
A.C. : Pourquoi avoir continué à être impliqué dans ces demandes d’accès au VIP Lounge pour Alvaro Sobrinho et ses collaborateurs, malgré le fait que vous n’étiez plus à la Présidence ?
D.A. : Je continuais malgré mon transfert à recevoir des mails de Mauricio Fernandes. Je présume qu’il n’était pas au courant que j’avais été transféré. Je me contentais d’envoyer ces mails à la Présidence.
A.C. : Il y avait beaucoup de familiarité dans les mails que vous vous êtes échangés…
D.A. : C’était des gens que je rencontrais régulièrement.
(Dans un des mails échangés signé Mauricio Fernandes, ce dernier s’adressait à Dass Appadu comme liberated brother)
A.C. : Avez-vous fait des requêtes de la part de la PEI auprès du Board Of Investment (BOI) et de la Financial Services Commission (FSC) ?
D.A. : Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une intervention. J’ai tout simplement appelé le BOI (à l’ancien CEO, Ken Poonoosamy) pour savoir où on en était avec les demandes de licence de la PEI. C’est l’ancienne Présidente qui m’a demandé de voir avec le BOI.
A.C. : Ne trouvez pas que c’était mal d’agir ainsi ? Ne saviez-vous pas qu’un appel provenant de la Présidence pourrait causer de gros impacts ?
D.A. : L’ancienne Présidente a elle-même été en communication avec l’ancien Premier ministre pour savoir où on en était avec certaines demandes de licence du PEI.
A.C. : Etes-vous intervenu auprès du CEO de la FSC ?
D.A. : J’avais aussi appelé le CEO pour savoir où on en était avec les demandes de PEI. Mais il n’était à aucun moment question de vouloir exercer une quelconque pression.
Caunhye vs Appadu
L’audition de Dass Appadu, a régulièrement été marquée par des démonstrations de force. Ashraf Caunhye et Dass Appadu, se sont en effet livrés à un duel de par le ton qu’ils ont tous deux adoptés. Visiblement irrité par certaines inexactitudes de Dass Appadu, le président de la commission d’enquête lui a souvent sommé de répondre par oui ou par non. De son côté, Dass Appadu se faisait souvent remarquer par un ton que beaucoup dans la salle décrivaient comme condescendant. C’est toutefois le président de la commission qui a eu le dernier mot en sommant le haut fonctionnaire de s’en tenir à ses questions et d’éviter d’en rajouter.
Hervé Duval Jr contrattaque
L’avocat de l’ancienne présidente de la République, a, à la suite des questions du président de la commission, adressé une série de questions à Dass Appadu, notamment sur le rôle de la Présidente par rapport à la Constitution. Ce à quoi Dass Appadu a répondu qu’il n’était pas un expert constitutionnel. L’homme de loi, a aussi demandé au haut fonctionnaire, s’il était conscient que, selon ses attributions, il était appelé à prodiguer des conseils à la Présidente. Dass Appadu répondra que c’est une chose que de conseiller, mais que c’est une autre chose que d’accepter les conseils. Si Dass Appadu n’a aucunement nié le fait qu’il a bel et bien fait des requêtes pour des accès au VIP Lounge pour Alvaro Sobrinho et ses proches, le fonctionnaire a souligné que tout a été fait avec l’accord de l’ancienne Présidente. Dass Appadu a insisté sur le fait que s’il avait réellement fauté dans l’exercice de ses fonctions, l’ancienne chef d’Etat aurait très bien pu le rappeler à l’ordre ou le rapporter au secrétaire au cabinet. « Elle n’a rien fait de tout cela », a-t-il dit. Par ailleurs, concernant la lettre adressée par la Présidence pour que le transfert de Dass Appadu soit ‘reconsidered’, Dass Appadu, a reconnu avoir rédigé la lettre, mais encore une fois, sur instructions d’Ameenah Gurib-Fakim
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