À 58 ans, Christophe Nathan, habitant de Grand-Gaube, a franchi une étape importante de sa vie le vendredi 6 septembre, en recevant son certificat d’attestation de sa participation aux cours d’alphabétisation de Caritas Île Maurice. « Je suis vraiment fier d’avoir suivi ce cours. Maintenant, je peux lire et écrire un peu », se réjouit-il.
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À Le Dimanche/L’Hebdo, Christophe raconte son parcours difficile. « Mo finn fer zis ti lekol », dit-il, signifiant qu’il n’a fréquenté que la maternelle. Orphelin de mère à l’âge d’un an, il a été élevé par son père, avec sa sœur et son frère. Privé d’éducation formelle, Christophe passait ses journées en mer avec son père pêcheur. Comprenant que la pêche n’était pas sa vocation, son père l’a envoyé, à l’âge de 13 ans, apprendre le métier de charpentier. « Sa lepok-la nou ti pe viv dan lamizer. Kat siklonn inn detrir nou lakaz. Nou inn bizin bouz dan enn lakaz a enn lot », se rappelle-t-il avec émotion.
Malgré ces difficultés, Christophe a persévéré, apprenant le métier jusqu’à ce que son frère l’aide à trouver un emploi dans une entreprise. Il a été charpentier pendant 33 ans, jusqu’à ce que l’entreprise fasse faillite, sans indemnité pour les employés. Père de deux enfants scolarisés, Christophe a enchaîné les petits boulots pour subvenir aux besoins de sa famille. La pandémie de COVID-19, qui a frappé en 2020, a encore compliqué la situation. Il a alors pris les devants et s’est lancé dans des travaux de maçonnerie et autres petits emplois pour continuer à faire vivre sa famille.
Aujourd’hui, avec plus de temps à sa disposition, Christophe a décidé d’apprendre à lire et à écrire, un rêve qu’il n’avait jamais pu réaliser. Il s’est donc inscrit aux cours d’alphabétisation de Caritas Île Maurice, offerts dans son quartier. Si sa femme lui avait déjà appris à signer son nom, il peut désormais écrire son nom complet, son adresse et son numéro de téléphone. Il sait aussi utiliser un guichet automatique et lire les destinations des autobus. « Avan, mo ti bizin demann dimounn kot bis pe ale. Parfwa mem bann kontroler ti pe koz brit ek mwa kan mo demann zot sa. Lavi pa fasil kan ou pa konn lir ek ekrir », explique Christophe.
Lavi pa fasil kan ou pa konn lir ek ekrir»
L’apprentissage en classe a-t-il été difficile ? Il répond qu’il avait des difficultés à épeler les mots et à les retenir. Mais son formateur et les dames de sa classe l’ont beaucoup aidé. Christophe confie même qu’il a pris goût à l’écriture, au point de toujours garder un carnet et un crayon dans son sac de travail. Lorsqu’il se déplace en bus, il note les mots qu’il voit sur les panneaux routiers et les publicités pour les apprendre. « Mo pratik pratike ! » lance-t-il en riant.
Quant à lire un livre ou envoyer des messages, Christophe admet qu’il n’est pas encore prêt. Cependant, lorsqu’il doit faire ses devoirs ou qu’il ne comprend pas quelque chose, il n’hésite pas à demander de l’aide à ses enfants. Dans un éclat de rire, il raconte qu’il suit même les cours d’alphabétisation avec sa belle-mère de 75 ans. « Ou imazinn ou, nou pe aprann lir ek ekrir sa laz-la, mwa ek li ! » s’amuse-t-il.
Pendant sept mois, Christophe s’est rendu à ses cours d’alphabétisation tous les lundis et vendredis. Musicien depuis son jeune âge et membre de la chorale de sa paroisse, il rêve maintenant d’apprendre à lire les partitions musicales, bien qu’il connaisse déjà les notes Do, Ré, Mi, Fa, Sol, à l’oreille.
Avec une profonde gratitude et une nouvelle confiance en lui, Christophe affirme que sa vie a changé depuis qu’il a osé reprendre l’apprentissage des mots, malgré son âge. À l’occasion de la Journée internationale de l’alphabétisation 2024, son message aux personnes qui ne savent ni lire ni écrire est le suivant : « Pa gagn per. Pena laz pou aprann. Fer premie pa ek profit sa sans ki Caritas pe ofer zot pou aprann lir ek ekrir. Oze, zot pou sorti gagnan. »
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