« Je suis surpris par la déclaration de Phillipe Sands rapporté dans l’Express du lundi 16 janvier 2023 et je tiens à rétablir les faits par rapport à la décision de demander à l’assemblée générale des Nations Unies de chercher l’avis consultatif de la Cour Internationale sur les Chagos.
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La question d’un recours à la CIJ avait été évoqué au cours des discussions que j’ai eues en 2010. Cette année-là, mon gouvernement avait pris la décision de trouver une solution à la question chagossienne par voie judicaire vu la mauvaise foi des britanniques, qui malgré l’assurance que m’avait donné le Premier ministre Gordon Brown à l’effet que le Royaume Uni n’irait pas de l’avant avec l’établissement d’un Marine Protected Area autour des Chagos, ont quand même déclaré un MPA en avril 2010. Nous avons donc logé dans un premier temps en décembre 2010 une contestation de la déclaration britannique devant un tribunal d’arbitrage institué sous la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer.
Auparavant, le gouvernement avait retenu les services d’un panel d’avocats, dirigé par Me Philippe Sands, et ayant une grande expérience des contentieux internationaux. J’ai également proposé à un spécialiste du droit international, Me Milan Meetarbhan, d’agir comme notre ambassadeur aux Nations Unies et j’ai demandé qu’un haut cadre du ministère des affaires étrangères soit détaché auprès du PMO afin de coordonner tout le dossier Chagos. Malgré le fait que ce dossier avait été une des priorités du gouvernement mauricien pendant des décennies, c’était la première fois qu’un fonctionnaire de haut niveau était chargé de s’occuper à plein temps de tout ce qui touche à la question chagossienne.
En janvier 2011, le gouvernement mauricien a proposé à l’Union Africaine d’adopter une résolution soutenant la souveraineté mauricienne sur les Chagos ainsi que toute démarche entreprise sur cette question au sein des Nations Unies par l’Etat mauricien. Cette résolution fut adoptée au sommet de l’UA à Addis. Il est clair que la proposition mauricienne qui mentionnait spécifiquement le soutien aux actions entreprises à l’ONU concernait une éventuelle résolution devant l’assemblée générale que nous envisagions déjà. Dès sa prise de fonctions en janvier 2011, le nouvel ambassadeur mauricien à l’ONU a commencé une campagne de sensibilisation par rapport à une éventuelle demande à l’assemblée générale. Il a eu plusieurs rencontres avec des ambassadeurs à New York et en particulier ceux du groupe africain ainsi que les représentants des iles du Pacifique et des Caraïbes pour les sensibiliser à la question chagossienne.
Il a également eu des rencontres avec les officiers du Secrétariat de l’ONU concernant les modalités régissant l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale, d’une résolution demandant l’avis consultatif de la CIJ.
Ces initiatives nous ont permis d’obtenir le soutien énergique du Président de l’assemblée générale qui était disposé à fast track la résolution.
Entretemps, l’avis de nos conseillers juridiques a aussi été recherché. La question a été discutée à plusieurs reprises et à un certain moment il a été décidé que James Crawford un éminent membre du panel d’avocats (Professeur à Cambridge et qui devait par la suite être nommé juge à la CIJ) et l’ambassadeur Meetarbhan travailleront sur la rédaction d’un projet de résolution de l’assemblée générale. On avait déjà un premier projet de résolution quand le gouvernement a décidé sur l’avis de nos avocats de suspendre les initiatives à l’assemblée générale afin de ne pas gêner les travaux du tribunal d’arbitrage qui étaient en bonne voie.
Il était donc clair qu’il y avait déjà une décision sur le recours à l’assemblée générale pour demander un avis consultatif de la CIJ après la décision finale du tribunal d’arbitrage sur le droit de la mer. Cette décision fut rendue en mars 2015 et le nouveau gouvernement a poursuivi la stratégie adoptée déjà depuis 2010 par mon gouvernement et a repris les efforts en vue d’obtenir l’accord de l’assemble générale pour demander un avis consultatif de la CIJ, d’autant plus que la décision du tribunal nous était favorable.
Quand le Prof Sands vient dire que nos avocats nous avaient dit dès 2010 que le recours à la CIJ était « impossible » et que c’est seulement en 2015 que le PM lui a demandé de trouver un moyen d’aller devant la CIJ, cela est inexact. Il est vrai que quand nous avions discuté de ce recours bien avant 2015, nos conseillers nous avaient dit que ce serait « difficile » en raison de la composition de la Cour. Mais au niveau du gouvernement mauricien, ce recours faisait partie de la stratégie adoptée en 2010, il y avait déjà un début de la campagne pour obtenir le soutien nécessaire pour permettre un tel recours. Si cette campagne a été suspendue afin de ne pas porter préjudice au déroulement de l’action entreprise devant le tribunal d’arbitrage, il était manifestement clair que la prochaine étape après la conclusion de l’arbitrage serait la demande d’une résolution de l’AG cherchant l’avis consultatif de la CIJ.
A un moment où l’État mauricien entame des négociations sur la reconnaissance de la souveraineté mauricienne sur les Chagos, un consensus national sur la souveraineté mauricienne est plus que jamais nécessaire. Il faut éviter qu’il y ait des déclarations de part et d’autre qui créent des controverses inutiles et divisives qui menacent ce consensus. Dans la conjoncture actuelle, Il ne faut pas politiser ce débat ou en faire une question partisane. D’autre part, je demande que dans le cadre des négociations sur le Chagos, le gouvernement consulte les partis politiques représentés au Parlement et les tient régulièrement au courant des développements afin de favoriser un élan national sur une question d’intérêt national.
Dr Navin Ramgoolam
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