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Bernard SikYuen : «Oeuvrons pour les protocoles de la charte africaine des droits de l’homme»

Bernard SikYuen
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Le Groupe de travail de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux Droits des personnes âgées et des personnes handicapées, s’est réuni à la fin de 2018 à Maurice. Dans l’interview qui suit, l’ancien Chef Juge Bernard SikYuen, aujourd’hui président du Groupe de travail précité, évoque les progrès réalisés quant à la disposition des  États membres de l’Union Africaine par rapport à la signature et la ratification de ces deux protocoles.

Monsieur le président, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes âgées en Afrique a été adopté par l’Assemblée des chefs d’État dans sa 26e session ordinaire en janvier 2016. Il parait que seuls 11 États membres l’ont signé et seul le Lesotho l’a ratifié...
D’abord, il vous faut comprendre que la rédaction et l’adoption des deux protocoles que vous citez (personnes âgées et handicapées) pour l’Afrique est l’aboutissement d’un long processus initié par l’Union Africaine. C’est en 2007 que j’ai été nommé Commissaire à la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples. Une de nos tâches consistait à mener des études en vue de l’élaboration desdits protocoles acceptables par l’ensemble des États membres. N’oublions pas que l’Union Africaine regroupe 54 États, tous avec des sensibilités et des réalités diverses en fonction de leurs cultures et leurs réalités géographiques que les Mauriciens ont parfois du mal à saisir. Les réalités d’un habitant du Maghreb ne sont pas celles d’un habitant d’Afrique occidentale ou de l’Afrique australe qui nous est plus proche. Il est donc normal qu’il faut du temps pour concilier toutes ces sensibilités pour mettre tout le monde d’accord.

Pourquoi les États membres ne se pressent-ils pas ou hésitent-ils à apposer leur signature ?
L’adoption de ces propositions par l’Assemblée des chefs d’État en janvier 2016 est déjà une avancée extraordinaire. Elle est unique dans le monde. Savez-vous que les États d’Amérique du Sud ne disposent pas de protocoles, mais de simples ‘guidelines’. Réjouissons-nous : l’Union Africaine a montré l’exemple. C’est ainsi qu’il faut avancer : petit à petit, mais sûrement. Je passe sur les détails : mais ces textes sont passés par le Legal Counsel de l’UA, puis par l’examen de la réunion des Chefs d’État, qui a donné son aval pour être approuvé et ratifié. Tout cela explique les délais qui n’ont rien d’anormal.

Maintenant, quant à la réticence des États qui traînent les pieds, cela peut résulter des contraintes, des obligations qu’entraine la signature des dits protocoles, notamment celui du ‘reporting duty’ : soit l’obligation de soumettre un rapport faisant état des avancées ou des manquements dans la mise en œuvre des dits protocoles.

Notre pays peut-il jouer un rôle de leader dans la région, d’abord en signant le Protocole et ensuite en le ratifiant ? Maurice a établi moult politiques pour la protection et le respect des personnes âgées. Nous pouvons montrer l’exemple sans prétendre être le grand frère, mais un pays frère tout court ?
Effectivement, mais je ne peux me prononcer sur ce point. Le processus de signature et de ratification résulte d’une décision politique. Tout ce que je peux avancer, c’est qu’il est dommage que les Mauriciens n’aient pas conscience et négligent de se positionner davantage sur la scène africaine, notamment en ce qui concerne la promotion des droits humains. Je reste persuadé que l’Afrique représente un avenir certain pour Maurice.

La Commissaire Maya Sahli Fadel déclarait à un journal mauricien que la ratification des Protocoles nécessiterait des investissements énormes, mais chaque État peut les mettre par étape, graduellement en fonction de ses moyens’. Votre avis.
L’Afrique est ce qu’elle est. Je reste optimiste. Les Africains sauront toujours rebondir et progresser. Voyez donc les développements accomplis dans certains États et qui feraient rougir d’autres pays sur d’autres continents. Je pense qu’il vaut mieux avoir une mise en œuvre graduelle que pas du tout. L’adoption des réformes juridiques et la domestication des  paramètres du protocole prennent du temps. Il faut aussi que les peuples les intègrent dans leurs réalités, dans les mentalités. Car outre les États, la société civile, les ONG ont un rôle à jouer pour faire avancer les mentalités.

Les obligations d’un pays signataire invitent, entre autres, à faire respecter les droits fondamentaux des personnes âgées, notamment quant à la nourriture, le droit à un logement décent. De nombreux États connaissent des difficultés, résultantes de la guerre, au changement climatique ? Comment établir des politiques contraignantes ?
Tout est une question de priorité. Comment voulez-vous contraindre les États à faire ce qu’ils ne souhaitent pas ? L’évolution des esprits ne saurait être imposée. Voyez chez nous, peut-on contraindre l’État mauricien à bâtir des logements sociaux? Les Africains cultivent l’esprit de débrouillardise. Ils apprennent, dans leur quotidien, à améliorer leur sort avec le peu qu’ils ont. Laissons-leur le bénéfice du doute qu’ils sauront, à leur rythme, atteindre les niveaux de progrès dont nous sommes si fiers, notamment quand on songe aux bénéfices sociaux accordés par l’État aux personnes âgées et personnes handicapées.

Notre pays a souscrit à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, l’Agenda 2063 et les Objectifs de Développement Durable (ODD). Quel est votre message aux autorités, aux ONG qui militent pour que le pays signe et ratifie les protocoles précités?
Nous devons apprendre à nous inspirer de ce qui se fait de mieux, ailleurs, notamment sur le continent où tout n’est pas aussi noir qu’on le croit. À travers le partage et le dialogue entre les peuples, on ne peut que nous enrichir mutuellement. Pour moi, c’est toujours avec un immense plaisir, alors que j’aurais pu me contenter d’une paisible retraite, que je rejoins mes collègues-confrères africains pour œuvrer pour le bien-être des personnes âgées et des personnes handicapées sur le continent africain et par extension dans mon pays.


Bio data

Ancien Chef Juge Bernard Sik Yuen, G.O.S.K. est entré au Service juridique de l’État en 1972 et au State Law Office/Judiciary durant plus de 41 ans.

Nommé juge de la Cour suprême de Maurice en 1989 et Chef Juge (Président de la Cour suprême) en 2007 jusqu’à 2013. Notre compatriote est l’un des Commissaires de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples depuis 2007, et Président du Groupe de travail sur les droits des personnes âgées et des personnes handicapées.


Les 11 pays signataires des protocoles

Benin, Mozambique, Burundi, Sierra Leone, Les Comores, Tchad, Ghana, Togo, Lesotho, Zambie et Mali   

Propos recueillis par Vijay Naraidoo et J.-Laurent Moothooveeren


Droits des personnes âgées : DIS-MOI redouble d’efforts pour l’avènement d’une convention

personne
Avec le vieillissement de la population, l’État mauricien a pris des mesures pour assurer le bien-être des seniors.

Nous sommes tous nés égaux et nos droits ne changent pas avec le vieillissement. Malheureusement, de nombreuses personnes âgées sont souvent victimes du non-respect de leurs droits, de l’âgisme (discrimination – exclusion) perpétré par leurs proches, collègues, voire amis et membres du public ou des autorités. Tout cela se passe (dans une indifférence coupable) dans les bureaux, au marché, dans les escaliers, bref partout.

Les mécanismes existants tels le MIPAA (Madrid International Plan of Action on Ageing) ne protègent pas suffisamment les personnes âgées qui souffrent d’inégalité et ‘d’invisibilité’. Aujourd’hui, nous vivons dans une société vieillissante, tous continents confondus, ce qui fait qu’un plus grand nombre de personnes sont touchées directement par la discrimination basée sur l’âge et l’âgisme. Cela constitue un défi urgent à relever par tous les gouvernements.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’améliorer la protection des droits des personnes âgées pour leur permettre de jouir pleinement de leurs droits humains, de participer et de contribuer au développement et à la prospérité de leur communauté, et de lutter pour l’amélioration de leur niveau de vie.

Dans ce contexte, les Nations unies réfléchissent s’il est nécessaire de faire davantage pour atteindre l’égalité à tous les âges. L’une des options est de savoir si une nouvelle convention permettrait d’améliorer la protection des droits des personnes âgées. Cette réflexion se fait par le biais du Groupe de Travail à Composition non limitée sur le Vieillissement. (GTCNL)

Qu’est-ce le GTCNL

Le Groupe de Travail à Composition non limitée sur le Vieillissement regroupe des États membres de l’ONU, la société civile (DIS-MOI est accréditée auprès de ce groupe), les Commissions des Droits humains, les Organisations internationales non gouvernementales, et autres parties prenantes. Il se réunit chaque année à New York par une résolution de l’AssembléeGénérale des Nations Unies depuis 2010.

Le mandat du GTCNL est : examiner le cadre international existant en matière des droits humains des personnes âgées et identifier les lacunes possibles, ainsi que la meilleure façon de les aborder, y compris la possibilité d’adopter de nouveaux instruments des droits humains. D’où la proposition d’une convention.

En décembre 2012, l’Assemblée générale de l’ONU a élargi ce mandat afin d’examiner et de rédiger un rapport sur ce qui devrait faire partie d’un nouvel instrument juridique international sur les droits des personnes âgées.

L’AMDPA, Le GTCNL et l’État

L’Alliance mondiale pour les Droits des personnes âgées (Global Alliance for the Rights of Older People, GAROP) (DIS-MOI en est membre) est un réseau d’organisations à travers le monde qui donne de la voix, soutient et renforce l’engagement de la société civile sur la nécessité d’un nouvel instrument international sur les droits des personnes âgées.

Depuis sa création, DIS-MOI a systématiquement écrit au gouvernement pour l’encourager à participer aux travaux du GTCNL, vu son importance dans l’avènement d’une convention. Il faut dire que l’État mauricien a participé aux travaux de la 9e Session du Groupe en juillet de l’année dernière et a adopté une position ferme en faveur d’un nouvel instrument, donc d’une nouvelle convention.

Une participation aux travaux du GTCNL requiert la soumission des documents comme l’avaient fait plusieurs institutions du pays, dont le ministère de la Sécurité sociale, la Commission nationale des Droits de l’Homme et DIS-MOI.

Cette année, seule DIS-MOI a soumis ses quatre documents de réflexion sur les thèmes suivants :

i. Protection sociale et sécurité sociale, y compris les planchers de sécurité
ii. Éducation, formation, apprentissage tout au long de la vie et le renforcement des capacités.
iii. Autonomie et indépendance
iv. Soins de longue durée et soins palliatifs.

Vijay Naraidoo
Président de la Commission pour les Droits des Personnes âgées
DIS-MOI

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