Elles sont trois femmes, toutes ayant choisi de tracer leur propre voie en politique. Malgré leur défaite aux dernières législatives, elles continuent de naviguer à contre-courant, portées par l’espoir d'un avenir politique différent pour Maurice.
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Géraldine Hennequin : une passionnée, tout simplement
De la culture à la politique, une constante : Géraldine Hennequin est une passionnée. De son métier, dans le domaine de l’ingénierie culturelle. De sa patrie, de sa Nation, avec un grand N. Cette dame de la com s’est présentée, pour la première fois, comme candidate aux dernières législatives sous la bannière de son parti, Idéal démocrate (ID). Elle en tire entière satisfaction.
« C’était la première participation de mon parti à des élections et nous en sommes fiers », déclare-t-elle. « Nous avons participé à toutes les étapes possibles de ce processus. C’est en toute humilité que nous avions envie de nous y confronter, d’apprendre, de vivre le moment pour pouvoir en témoigner. »
Quelle est cette motivation pour faire de la politique active ? À cette question, Géraldine Hennequin répond : « Faire de la politique active, c’est participer de manière concrète au processus démocratique d’une Nation. » Elle souligne avoir deux objectifs : « porter une voix différente et provoquer le débat d’idées pour apporter ma contribution à l’assainissement de la vie politique. Aussi, avoir un impact réel sur la vie des concitoyens en travaillant pour plus d’équité, de justice sociale, de transparence et militer pour la méritocratie, des valeurs cardinales à mon sens. »
Se jeter dans l’arène contre les mastodontes que sont les partis du mainstream, est-ce du casse-pipe ou du hara kiri politique ? « Ni l’un, ni l’autre. C’est mon premier pas en politique et il faut tester ce terrain en restant ancrée dans certaines convictions. J’apprends chaque jour. J’en tire des leçons et j’avance. À chaque étape, une décision. »
Est-ce pourquoi elle fait presque cavalier seul avec son parti ? « Idéal démocrate a atteint son premier objectif : celui de faire entendre une voix différente et crédible dans le discours politique. Il faut agiter chaque jour la conscience citoyenne », affirme-t-elle.
Je ne ferai jamais de la politique à tout prix"
Géraldine Hennequin n’est pas de ceux qui crachent sur la contribution des partis politiques mainstream. D’ailleurs, elle dit ressentir pour eux « du respect, avant toute chose, car ces partis ont fait l’Histoire de notre pays ». Cependant, elle regrette « le manque de renouvellement au niveau du leadership, le manque d’audace pour apporter des débats qui répondent à notre siècle. Je regrette le manque de volonté politique pour dépoussiérer la Constitution. Mais il paraît que cela arrive. Enfin ! Tant mieux ».
Et quel regard porte-t-elle sur l’issue des législatives ? « Il est salutaire que le gouvernement mené par le MSM ait été viré. C’était devenu une urgence nationale. Il est définitif que les ‘Leaks’ de Missie Moustass ont pesé plus que jamais sur les résultats de ces élections. Chaque élection arrive avec un contexte particulier. En tout cas, les citoyens mauriciens ont dit leur colère et leur exigence dans un même souffle. Tant mieux. »
Un 60-0 est-il bon pour la démocratie ? « C’est le choix de la majorité. Je le respecte en toute humilité. Je ne comprends pas ceux qui crient au loup déjà. Il appartient désormais aux élus d’en être dignes. » Géraldine Hennequin rappelle que « la démocratie est vivante, je dirais organique. Elle vit avec des hauts et des bas. Mais ce qui lui donne une constance, c’est la conscience citoyenne. C’est à cela qu’il faut appeler. Ne jamais baisser la garde. Ce qui est bon pour la démocratie, c’est qu’elle est la voix de la majorité. Mais qu’elle est là aussi pour veiller à ce que les minorités aient leur place - je parle des votants, pas de communautés. La démocratie nous oblige à faire Nation ! »
Il faut agiter chaque jour la conscience citoyenne"
Cependant, fait-elle comprendre, « je ne ferai jamais de la politique à tout prix ». Cela, en ligne avec sa philosophie de la vie qui se résume à : « Tu fais ce que tu dis. En deux mots : rester vraie ! À partir de ce principe, on peut assumer les échecs et savourer les victoires. » Geraldine Hennequin en sait quelque chose, elle dont le métier est « un combat de tous les jours ».
Mais, assure-t-elle, « je reste une passionnée ».
Son parcours en témoigne. Fille d’un ancien maçon – « un métier que mon papa a exercé depuis ses 15 ans » - et d’une ancienne couturière, elle raconte que c’est toute jeune qu’elle est tombée dans l’univers des médias, de la presse, de la radio privée. « J’ai toujours eu un pied dans les rédactions depuis mes 15 ans. J’ai démarré dans la presse écrite par des stages, des jobs d’été avant de partir faire mes études. »
Après ses études secondaires au Collège Lorette de Curepipe, elle s’envole pour l’Université de Montpellier III, en France, pour un double diplôme, d’abord en Histoire de l’art avec une spécialisation en médiation culturelle, puis en communication. « À mon retour à Maurice, j’ai été recrutée pour faire partie de la première équipe de Radio One, qu’on appelait la ‘Dream Team’, aux côtés de feu Jean-Michel Fontaine et Jean-Luc Mootoosamy. C’était une opportunité extraordinaire pour moi, jeune diplômée, de vivre la libéralisation des ondes à Maurice – en tout cas pour la radio. J’ai aussi, quelques années plus tard, été la voix de la matinale sur Radio Plus. »
Par la suite, Géraldine Hennequin décide de repartir pour son pays d’adoption : « J’ai été la responsable de com du musée Fenaille (régulièrement classé 1er musée d’archéologie de France pour la qualité de ses collections). J’ai également eu la chance de voir naître le projet du musée Soulages. J’élaborais la Newsletter de l’avant-projet. Une chance inédite. »
En 2010, elle rentre au pays et travaille pour le compte du Bureau du Premier ministre, sous l’ère de Navin Ramgoolam, à la cellule Culture et Avenir aux côtés d’Alain Gordon-Gentil. Ils lanceront notamment Confluences, le Salon international du livre, dont il y a eu deux éditions. « Il y a eu de nombreuses réalisations. C’était super de pouvoir dynamiser une volonté politique pour le secteur de la culture. Depuis 2014, malheureusement, tout cela n’est que ruine ! Quel dommage. » Pourtant, fait-elle ressortir, il existe la continuité de l’État, notion qui, déplore-t-elle, « semble être inconnue des gouvernements qui ont suivi ».
Elle a ensuite travaillé à la fondation du Caudan Arts Centre auprès de la jeunesse mauricienne, avant de lancer sa propre société à but non-lucratif NextArt Factory. « Je suis donc restée dans le secteur des arts et de la culture. J’accompagne les artistes dans la réalisation de leurs projets, je propose au public mauricien, mais aussi celui de la Réunion, des événements culturels. Mon métier c’est l’ingénierie culturelle. »
Et ses autres passions ? « Je suis une grande fan et pratiquante de hiking. Les randonnées en montagne, c’est ma passion. J’adore cet effort sur soi que demande la montagne quand tu t’attaques à elle. J’aime foncièrement être dans la nature. Regarder les territoires où je suis depuis des sommets change toujours la perspective des choses. Et puis, je lis ! Les livres nous offrent mille vies en une vie. Alors, il faut savoir en profiter. »
Ses attentes vis-à-vis du nouveau gouvernement
Ses attentes par rapport au nouveau gouvernement ? « Comme tous les Mauriciens, que la Constitution soit dépoussiérée, qu’on assainisse les comptes publics et qu’on revitalise l’économie, que la justice sociale soit au cœur du projet politique et que notre regard se porte sur les défis de demain : l’aménagement de nos villes, la question vitale de l’eau, une prise en compte urgente des défis environnementaux. La liste est longue… »
Sarahjane Naraina : Vingt-sept ans de lutte aux côtés de Lalit
Elle rêve d’un mauricianisme prononcé. « Ki tou dimounn, enn zour, viv bien. Ki pena stres akoz lamizer, ek akoz inegalite. Ki enn zour, nou tou santi pena traka, nou kapav sante, riye, danse libreman. Nou tou, ansam », énonce Sarahjane Naraina. Ce combat, l’habitante de Résidence Richelieu le mène depuis 27 ans aux côtés de Lalit. Mère de deux enfants qui viennent tout juste d’avoir le droit de vote, elle a participé aux dernières législatives. Il s’agit de sa troisième participation aux élections générales. Elle a obtenu 111 voix dans la circonscription n°1 (Grande-Rivière-Nord-Ouest/Port-Louis Ouest).
Pourquoi fait-elle de la politique active ? Sarahjane Naraina répond que son papa « kaser ros » et sa maman « cleaner » étaient engagés. Ils ne sont plus de ce monde aujourd’hui. « Mo papa ti bien swiv politik, e mo mama osi. Mo papa ti enn MMM, e mo mama, li ti kamarad ar Charlesia Alexis, alor mo finn konn politik ‘partizann’ depi mo papa, e osi politik profon kouma lalit sagosien, e lalit pou ferm baz Diego, depi mo mama. »
D’ailleurs, fait-elle savoir, son époux est Chagossien. « Mo bien kontan mo kartie, alor kan dan Lalit, nou amenn kanpagn pou enn ‘bicycle lane’ depi stasion Metro Coromandel ziska Fwaye Ti Rivier, mo kontan mo ladan », ajoute-t-elle.
Elle aurait pu rejoindre le mainstream politique ; pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Elle est directe : « Le mainstream fer mwa santi enn radebol depwi toultan. Depi mo nesans mo konn zis sa trwa-la, MSM, MMM ek Parti travailliste (PTr). »
Mo pa per, parski mo krwar dan mo ideolozi"
Son parcours, aux côtés de Lalit, commencé à l’âge de 15 ans, est sans doute plus ardu. Mais, soutient Sarahjane Naraina, « mo pa per, parski mo krwar dan mo ideolozi. Mo santi mo dan Lalit depi plis ki 27 an, e savedir mo pa tousel. Mo partisip dan enn renion sak kinz-zour depi sa. E mo finn poz kandida trwa fwa. Mo frer osi dan Lalit. Mo ena boukou vwazin ki kontan ki mo dan Lalit. Par exanp, mo finn donn koudme dan lalit ki bann fami dan nou site finn fer, kan zot ti aste lakaz depi gouvernman, e lakaz-la anfet danzere akoz pena kolonn.
Boukou fami pena lemwayin ranz enn lot lakaz ».
Que pense-t-elle de l’issue des dernières législatives ? Elle confie être « assez étonnée » par le 60-0 en faveur de l’Alliance du Changement. « Mo ti krwar li pou pli sere », tout en reconnaissant que les « Missie Moustass Leaks » ont plombé le MSM et ses alliés.
Cependant, elle estime qu’« un 60-0 peut s’avérer dangereux pour le pays ». Elle s’explique : « Si zis sak fwa rod zis BLD, ki inpe grosie, san kone ki pou mete apar sa trwa-la (MSM, MMM, PTr), abe nou pa pou ariv lwin. » Sarahjane Naraina plaide, dans la foulée, pour l’introduction d’une dose de proportionnelle. « Ti pou bon ena enn bout proporsionel dan sistem eleksion, me pa sa ‘Best Loser’ kominal-la. »
En dehors de son engagement politique, Sarahjane Naraina exerce comme receveuse d’autobus depuis 2004. Elle explique avoir dû mettre un terme à ses études en Form III (Grade 9) afin de trouver un emploi pour assurer sa survie. « J’ai tenté ma chance dans un centre d’appels à la Cybercité. J’ai eu une formation d’un jour, mais je n’ai pas aimé. »
En 2004, « faute de mieux, je me suis lancée en tant que receveuse. À cette époque, il y avait très peu de femmes qui faisaient ce travail. Je suis toujours en poste ». Elle exerce sur le trajet Port-Louis/Pointe-aux-Sables/La Tour Koenig. C’est un métier exigeant qui demande certaines compétences, explique-t-elle, que ce soit en termes de calcul, ou de communication avec les passagers dont certains sont parfois récalcitrants. « Il faut savoir leur parler et garder une bonne relation avec le chauffeur de service. »
Elle regrette des manquements dans le système qui gouverne les travailleurs du transport public. « Plusieurs d’entre nous sont en ‘relief’, c’est-à-dire qu’ils ne sont employés qu’après plusieurs années de service. Ce n’est pas juste envers eux. »
Et ses passions ? « Mo kontan fer karoke, e mo kontan kan mo fami zwenn ansam. Mo kontan lir enn bon roman », dit-elle avec le sourire.
Ses attentes vis-à-vis du nouveau gouvernement
Quelles sont les attentes de Sarahjane Naraina par rapport au nouveau gouvernement ? Elle répond sans détour : « Ki li fer pli bien ki ansien-la, e pli bien ki li ti fer dernie fwa-la. Li ti pou bon si nou gagn drwa a lagrev ekrir dan Konstitision. »
Ingrid Charoux : une voix qui s’élève
Elle s’intéresse à la politique depuis son jeune âge. D’ailleurs, affirme Ingrid Charoux, son combat demeure le même depuis son engagement malgré les épreuves. « Ce qui ne tue pas nous rend plus forts et c’est par les échecs que l’on se fortifie. » Candidate pour le Mouvman Bruneau Laurette aux dernières législatives, elle a récolté 1 496 voix dans la circonscription n°6 (Grand-Baie/Poudre-d’Or), où elle s’était présentée. La femme entrepreneur remercie ceux qui ont voté pour elle.
« Suis ton instinct, suis ton cœur, ne change pas, reste naturel et à l’écoute. » C’est portée par cette philosophie de vie qu’Ingrid Charoux a rejoint Bruneau Laurette. Elle croit fermement en une alternance qui pourrait se faire avec son parti et pense qu’un jour viendra où les partis du mainstream mordront la poussière pour laisser la place aux nouveaux partis formés par des jeunes qui émergent avec un tout autre état d’esprit. « J’ai décidé de rejoindre Bruneau Laurette dans son combat en intégrant Linion Sitoyen Morisien, aujourd’hui devenu le Mouvman Bruneau Laurette. Je ne suis pas seule, nous sommes une équipe déterminée malgré toutes les complications et les pressions subies durant le mandat de l’ancien gouvernement. »
Elle confie que les partis politiques mainstream ne lui inspirent pas confiance. « À chaque gouvernement, il y a son lot d’abus. » Elle regrette, dans la foulée, que « les médias ne donnent pas trop la chance aux nouveaux partis de se faire connaître ».
Concernant les dernières législatives, elle se dit satisfaite des résultats du Mouvman Bruneau Laurette avec ses 34 000 voix dans l’ensemble du pays. « Je remercie tous ces électeurs pour leur confiance. Les Mauriciens ont voulu donner une correction à l’ancien gouvernement dictateur. » Selon elle, Missie Moustass a joué un grand rôle dans les dernières élections. « Missie Moustass a montré la réalité de ce que l’on savait déjà. Il a mis l’ancien gouvernement K.O. et a demandé à la population de voter bloc », commente-t-elle.
Cependant, Ingrid Charoux ne cache pas qu’elle est « un peu déçue que certains extraparlementaires ne soient pas dans l’opposition ». D’ailleurs, elle s’inquiète de la faible opposition au Parlement. « Je pense qu’il aurait fallu une opposition quand même. »
Et lorsqu’elle n’est pas occupée par la politique, que fait Ingrid Charoux ? Cette ancienne élève du Lycée Labourdonnais gère une entreprise dans le domaine de la fête. « Je vends des accessoires et des déguisements sur des thématiques - Halloween, Noël, le réveillon du Nouvel an. J’ai deux magasins DecoFete sur Grand-Baie et Curepipe depuis 2007, et je bosse avec les entreprises et hôtels, bars et restaurants pour des ‘staff parties’ et autres occasions. »
Elle est également passionnée par le chant, la peinture, la création, et l’histoire des civilisations.
Ses attentes vis-à-vis du nouveau gouvernement
Quelles sont ses attentes par rapport au nouveau gouvernement ? « J’attends du nouveau gouvernement qu’il exécute ses promesses et trouve les meilleures solutions pour remettre notre économie sur la bonne voie. Il faut créer de nouvelles entreprises locales, produire local pour arrêter de dépendre de l’importation. Aussi, se pencher sur l’économie bleue, réduire les gaspillages, entre autres. »
Pour elle, avec le score réalisé aux élections, le nouveau gouvernement a toutes les cartes en main pour changer ce qu’il faut dans la Constitution. Elle plaide en faveur du droit de vote à la diaspora et souhaite que la pratique des discours politiques sur des plateformes socio-culturelles soit stoppée. « Le gouvernement doit également trouver la formule pour réformer la MBC, qui, à chaque mandat d’un gouvernement, en devient l’alliée avec puissance mille. Il nous faudrait une chaîne de télévision nationale neutre et impartiale. »
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