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Bannir le téléphone portable à l’école fait débat

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En France, le gouvernement veut bannir le téléphone portable des écoles et collèges dès 2025 afin de lutter contre le cyberharcèlement et l'exposition des jeunes aux écrans. Dans les établissements scolaires mauriciens, le sujet est aussi évoqué pour la protection des élèves et des enseignants.

L’utilisation du téléphone portable est un couteau à double tranchant, disent les professionnels. S’il est mal utilisé, il peut faire beaucoup de tort. Par contre, s’il est bien utilisé, c’est du temps gagné et une meilleure compréhension des leçons en classe. 

La presse française a évoqué cette semaine l'instauration d'une « pause numérique » à l'école et au collège par la ministre démissionnaire de l'Éducation nationale française, Nicole Belloubet, lors d’une conférence de presse. Celle-ci a évoqué un projet d'interdire des téléphones portables dans « près de 200 collèges » dès cette rentrée, pour mettre en place une « pause numérique ». Il est indiqué que cela aura pour finalité une généralisation de la mesure, dès le mois de janvier 2025.

Il est ainsi prévu dès la rentrée que les élèves déposent leur smartphone dans un casier en arrivant dans l'établissement. 

Par ailleurs, en Wallonie et à Bruxelles, à partir de la rentrée de septembre, ou progressivement au cours de l’année scolaire, les élèves de 373 écoles devront se passer de leurs smartphones. Ces appareils seront formellement interdits dans ces établissements, principalement pour lutter contre le cyberharcèlement.

Recherche de l’équilibre

À l’île Maurice, l’utilisation du téléphone en milieu scolaire est aussi préoccupante. Certains établissements ne visent pas à confisquer les téléphones dès l'arrivée des élèves à l'école, mais plutôt à saisir les appareils, si les élèves les utilisent à des moments inappropriés pendant la journée scolaire. 

Toutefois, au niveau du Children’s Act (2020), Clause 26, le cyberbullying est considéré comme une infraction, notamment les autres formes d'intimidation qui peuvent être physiques, verbales, psychologiques (socio-émotionnelles) et sexuelles. 

Le président de la Government Secondary School Teachers' Union (GSSTU), Yugeshwar Kisto, ne croit pas que nous devions nécessairement suivre l'exemple français. « À Maurice, nous reconnaissons le potentiel éducatif de la technologie. Cependant, nous devons trouver un équilibre entre l'utilisation bénéfique des appareils mobiles et la prévention du cyberharcèlement. Notre approche devrait se concentrer sur l'éducation et la sensibilisation plutôt que sur une interdiction totale », dit-il.

Il estime que le portable peut être un outil pédagogique précieux, mais qu’il ne le qualifierait pas d'essentiel. Selon lui, il peut enrichir l'expérience d'apprentissage en permettant l'accès à des ressources en ligne, en facilitant la collaboration entre élèves et en offrant des opportunités d'apprentissage interactif. « Cependant, l'enseignement efficace ne dépend pas uniquement de la technologie. Il est crucial de maintenir un équilibre entre les méthodes traditionnelles et l'intégration des outils numériques », assure le président de la GSSTU. 

Yugeshwar Kisto affirme qu’il est important d’avoir des règles claires sont essentielles pour encadrer l'utilisation des portables, tant à l'école qu'à la maison. Il explique : « À l'école, nous recommandons des politiques qui définissent quand et comment les portables peuvent être utilisés en classe. Ces règles devraient inclure des directives sur l'étiquette en ligne, la prévention du cyberharcèlement et l'utilisation responsable des médias sociaux. À la maison, nous encourageons les parents à établir des limites sur le temps d'écran et à surveiller l'activité en ligne de leurs enfants ».

En tant que pédagogue, Yugeshwar Kisto souligne l'importance d'une approche collaborative. « La GSSTU préconise une coopération étroite entre les écoles, les enseignants, les parents et les élèves pour créer un environnement numérique sûr et productif. Nous recommandons également la mise en place de programmes de formation pour les enseignants sur l'utilisation pédagogique des technologies mobiles et la gestion des problèmes liés au cyberharcèlement. Enfin, nous pensons qu'il est crucial de développer la littératie numérique chez nos élèves, en leur enseignant non seulement comment utiliser la technologie, mais aussi comment le faire de manière éthique et responsable. »

Préserver l'attention des élèves

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Arvind Bhojun, président de l'Union of Private Secondary Education Employees.

Arvind Bhojun, président de l'Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), s'exprime fermement en faveur de l'interdiction des smartphones dans les écoles. Selon lui, les téléphones portables distraient les élèves de leurs études et nuisent à leur concentration. « Avec un smartphone, les élèves ont accès à une multitude de divertissements en un clic », explique-t-il. « Les jeunes manquent souvent de maturité pour résister à ces distractions et finissent par négliger leurs études. »

Il souligne que ce problème n'est pas unique à Maurice, mais qu'il est également observé dans d'autres pays. « Il est démontré que les smartphones causent plus de tort que de bien en milieu scolaire. C'est pourquoi plusieurs pays ont déjà légiféré pour interdire leur utilisation dans les écoles », ajoute-t-il.

En ce qui concerne l'introduction de technologies telles que Google Classroom dans les écoles, Arvind Bhojun insiste sur la distinction entre l'usage pédagogique des technologies et l'utilisation des smartphones. « Cela ne signifie pas que l'enfant a besoin d'un smartphone pour suivre une classe virtuelle. Des mesures de protection doivent être mises en place pour que les élèves utilisent des tablettes ou des ordinateurs en classe, et ce devrait être également le cas à la maison », précise-t-il.

Il préconise que les smartphones soient bannis des écoles pour permettre aux élèves de se concentrer pleinement sur leurs études. Arvind Bhojun souligne également l'importance de la surveillance parentale à domicile, pour éviter que les enfants accèdent à des sites inappropriés. Enfin, il appelle les décideurs à mettre en place des lois concrètes pour encadrer l'utilisation des technologies par les jeunes. « Les enfants doivent être conscients des dangers liés à l'accès à Internet, des délits potentiels et de leurs conséquences », conclut-il.

Le cyberharcèlement, une menace pour les jeunes filles

Michael Baker, Chief Information Security Officer à ServiQual Ltd, compte plus de 20 ans d'expérience en cybersécurité, a mis en lumière la croissance alarmante du cyberharcèlement avec l'évolution de la technologie. Il souligne que les principales victimes de ce phénomène sont souvent les filles, en raison de leur exposition accrue sur les réseaux sociaux. « Le cyberharcèlement est un sujet sensible qui touche beaucoup de filles. Cela se fait souvent en publiant des photos intimes sur le net, en envoyant des messages de haine, ou en les isolant socialement via des groupes en ligne », explique-t-il. Ce phénomène, selon lui, est exacerbé par l’anonymat que permettent certaines plateformes, rendant les auteurs plus difficiles à identifier et à sanctionner. En tant que professionnel de la cybersécurité et père d’un garçon de 8 ans, Michael Baker se félicite de la décision de la France de bannir les smartphones dans les écoles. Il exprime cependant des réserves quant à l'application de cette mesure dans d'autres contextes, comme à Maurice. « Nous sommes un pays en développement. Dans ce sens, nous ne pouvons pas nous permettre de rester en arrière. Il faut être prudent lorsque nous parlons de l’utilisation des outils informatiques au sein des établissements scolaires. Il serait bien de mettre en place certaines mesures pour la sécurité de nos élèves, tout en favorisant une utilisation encadrée et éducative des technologies », ajoute-t-il. 

Il insiste également sur l’importance d’éduquer les parents et les enseignants sur les risques potentiels liés à l’utilisation des technologies par les jeunes, tout en encourageant un dialogue ouvert avec les enfants sur leur expérience en ligne. Michael Baker souligne également l’importance croissante des technologies dans toutes les sphères de la vie quotidienne. « Avec l’avènement de l’IA, la technologie est là pour faciliter l’apprentissage au sein des écoles, à la maison et au travail.

Cependant, cette même technologie peut être détournée à des fins malveillantes si elle n'est pas correctement régulée et surveillée », conclut-il, rappelant l’équilibre délicat entre innovation et protection des utilisateurs, en particulier les plus jeunes. Selon lui, il est impératif que les gouvernements, les entreprises technologiques et la société civile collaborent pour créer un environnement numérique plus sûr pour tous, en adoptant des lois adaptées et en renforçant la sensibilisation aux dangers du cyberharcèlement.

Retour aux méthodes traditionnelles

Le consultant en cybersécurité et réseau, Didier Samfat, rappelle que le smartphone est aujourd'hui considéré comme un outil multifonctionnel. « Selon le contexte dans lequel il est utilisé, le smartphone remplit différentes fonctions. Aujourd'hui, il est principalement utilisé pour jouer ou naviguer sur les réseaux sociaux. À mon avis, il n'a pas vraiment sa place à l'école », soutient-il. Selon lui, il est essentiel de revenir à des méthodes d'enseignement traditionnelles pour mieux transmettre les connaissances. « Une fois en classe, les élèves ne doivent pas être distraits. Toutes les notifications des smartphones créent des distractions qui nuisent aux études. »

Il souligne également que si le smartphone est mal utilisé, il peut causer du tort. Concernant les cours en ligne, il affirme qu'il est crucial d'utiliser un outil approprié, comme une tablette ou un ordinateur. « Il faut que l'élève puisse travailler dans des conditions optimales pour réussir. L'écran d'un smartphone est trop petit pour une utilisation prolongée, ce qui peut nuire à leur santé. En revanche, un écran plus large est préférable, notamment lorsqu'il s'agit de partager l'écran de l'enseignant. »

En effet, le ministère de l'Éducation a introduit Google Classroom dans les collèges pour ce trimestre. Cette application est actuellement utilisée pour les révisions et pourrait également servir en cas de fermeture d'école en raison de conditions climatiques. Selon Didier Samfat, Google Classroom a fait ses preuves et c’est un excellent outil pour l'apprentissage des élèves.

Enfin, Didier Samfat aborde la question du cyberharcèlement, qui, selon lui, est une réalité croissante. « Il est essentiel de lancer une campagne de formation pour les parents et les élèves, non seulement au sein des établissements scolaires, mais aussi au niveau national, afin de lutter contre le cyberharcèlement. »

L’UNESCO contre les smartphones en classe

Un rapport récent de l'UNESCO préconise l'interdiction des smartphones dans les écoles du monde entier, citant leur impact négatif sur la concentration et les performances scolaires des élèves. L'organisation affirme que même la simple présence d'un téléphone portable en classe distrait les élèves, entraînant une baisse des résultats scolaires et affectant la stabilité émotionnelle des enfants.

Audrey Azoulay, directrice générale de l'UNESCO, souligne que bien que la technologie numérique ait un grand potentiel, elle ne doit pas remplacer les interactions en face à face entre les élèves et les enseignants. Le rapport met en garde contre une adoption aveugle de la technologie numérique en éducation, soulignant l'importance d'une utilisation mesurée et encadrée par des enseignants pour améliorer l'apprentissage.

L'UNESCO appelle également à un débat sur l'intégration de la technologie dans l'éducation, tout en mettant l'accent sur la nécessité de donner la priorité aux besoins des élèves et de soutenir les enseignants. Bien que certains pays aient déjà adopté des interdictions, comme la France et la Finlande, d'autres restent réticents face à cette mesure.
 

 

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