Alors que la compagnie d’aviation nationale repense son modèle économique, l’inquiétude gagne l’industrie touristique. Au vu de la « dépendance absolue » de celle-ci sur le service aérien, les difficultés financières d’Air Mauritius arrivent au plus mauvais moment pour la destination mauricienne qui ressent les effets du Brexit et des gilets jaunes. Au premier trimestre de l’année, en termes des arrivées touristiques pour Maurice, le marché britannique a reculé tandis que le marché français a plafonné.
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Vu l’éloignement des marchés émetteurs de touristes, l’aviation et le tourisme sont inextricablement liés, si bien qu’ils sont dans une relation symbiotique. Dès lors, il est impossible de concevoir une stratégie touristique sans tenir compte de la politique aérienne. En particulier, pour promouvoir le tourisme régional, une approche intégrée et coordonnée des acteurs touristiques de l’océan Indien est requise. Ils savent ce qu’on a dans la région : un potentiel touristique mais un manque de connectivité.
Actuellement, chaque destination fait sa propre promotion auprès de sa base de clientèle. N’est-il pas temps de promouvoir la région plutôt que le pays ? Tous les pays riverains gagneront à travailler ensemble afin d’imaginer une stratégie de marque commune, élaborer une campagne de marketing conjointe et définir un positionnement commercial pour exploiter de nouveaux marchés touristiques. Avec les ressources et les expertises disponibles dans la région, on peut avoir une stratégie pour attirer plus de touristes non pas vers une destination unique, mais dans toute l’Indianocéanie avec facilité de passer d’une île à l’autre. L’enjeu pour la région, c’est le désenclavement.
Un modèle de coopération et de développement mutuel des pays de l’océan Indien consistera à fabriquer une marque très importante pour la région, qui dépasse toutes les frontières nationales, embrasse toutes les activités de marketing de tous les pays et focalise sur les marchés potentiels. Avec des instruments communs de promotion touristique, toutes les îles coordonneront leurs actions commerciales sur des marchés tels que l’Inde, la Chine, la Russie, la Norvège et la Suède, sous une marque unique comme Les Iles Vanille. L’objectif est de gagner une plus large visibilité, d’acquérir une plus grande attractivité, d’accroître le nombre de visiteurs et d’augmenter les revenus.
Une approche concertée en faveur d’une offre touristique combinée, et non éclatée, permettra aux îles de concurrencer d’autres stations balnéaires de façon plus efficace, et elle relèvera le profil du tourisme dans la région. Le concept Les Iles Vanille doit s’ajouter, et non se substituer, aux efforts nationaux de commercialisation. Aussi, le marketing doit s’accompagner d’une réduction des tarifs aériens sur les vols inter-îles afin de générer du trafic entre plusieurs destinations. Car faciliter les mouvements inter-îles en réduisant le coût et le temps de déplacement est un élément essentiel de l’attractivité de l’océan Indien.
Malheureusement, étant dans une logique de resserrement des coûts, les compagnies aériennes ne sont pas convaincues de la rentabilité de desservir la région. S’il faut reconnaître les impératifs financiers des lignes aériennes, le manque de vols pèse toutefois sur la conversion effective de touristes potentiels en arrivées réelles. L’activité touristique est fortement conditionnée par les saisons, les dates de vacances et les jours de fête. Par conséquent, on se retrouve avec des sièges-avion vides aux périodes creuses, et pas de sièges disponibles aux périodes de pointe. Il convient sans doute de déréguler l’accès aérien pendant la haute saison.
Dans la mesure où l’avenir de l’industrie touristique est étroitement lié à l’évolution du secteur aérien, il faudra résoudre les problèmes de sièges-avion et de prix du voyage, afin de rentabiliser de nouveaux concepts tels que les centres de vacances multiples comme dans les îles des Caraïbes. L’Île Maurice a intérêt à développer des thématiques intégrantes et à promouvoir des destinations multiples au sein de la région, la stratégie Les Iles Vanille s’adaptant bien à cette démarche. On entend par là que chaque destination est en duo avec une autre ou fait partie d’un ensemble plus grand qui regroupe Maurice, Madagascar, la Réunion, les Maldives, les Seychelles et l’Afrique du Sud. Les îles indianocéaniques joueront sur leurs atouts communs constitués par l’insularité, la culture, la langue, les richesses naturelles et la vocation touristique.
La création de plusieurs centres de vacances amènera plus de touristes et plus de bénéfices économiques au pays, car elle influencera les choix de destinations des touristes qui sont du genre à dépenser plus. Hélas, les fréquences de vols et les itinéraires, tels qu’ils sont actuellement, ne favorisent pas la promotion du concept de destinations multiples. C’est une lacune que n’arrive pas à combler le tourisme de croisière.
La situation sud-africaine nous donne une idée du potentiel touristique de l’océan Indien. Singapore Airlines a un vol direct sur l’Afrique du Sud tous les jours, transportant 100 000 passagers par an. Ce pays accueille 10 millions de touristes, dont deux tiers proviennent des pays de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe. Il reçoit par an 130 000 voyageurs venant de l’Australasie et 100 000 de la Chine.
La libéralisation du transport aérien dans l’Indianocéanie est nécessaire pour assurer le développement du tourisme inter-îles. Il faudra aussi créer, avec des capitaux publics ou privés, un transporteur à bas prix qui desservira seulement les pays de la région. Sinon, le potentiel du tourisme régional restera inexploité.
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