Ajay et Anshika Ramphul: la fibre cinématographique dans le sang

Est-elle la digne héritière d’un père écrivain, directeur et producteur de long-métrage ? « Non, Anshika est plus forte que moi », répond Ajay Ramphul. À 13 ans, elle a revu et corrigé le récent crime de Camp-de-Masque. Ce court-métrage – « Rescaper  »– a été diffusé sur la chaîne nationale, mercredi. Ajay Ramphul est déjà connu dans le petit monde des cinéastes mauriciens, grâce à quatre longs-métrages : « L’Horizon d’amour », « Pourquoi », « Arnaker » et « Loser. » Mais sa fille risque de lui chiper la célébrité avec ses débuts remarqués dans un court-métrage, qu’elle a écrit en s’inspirant du crime sordide de Camp-de-Masque. Celui-ci a été réalisé dans le cadre d’un concours organisé par la Mauritius Film Development Corporation (MFDC). « Ce crime m’a marquée à cause de ses circonstances : le meurtre d’une adolescente et de sa grand-mère par un autre adolescent. J’ai voulu revisiter cette histoire sanglante, en une version féministe, avec un trio de jeunes et une autre fin. Dans mon film, je suis harcelée à travers Facebook par un certain Abhi, interprété par Luvish Ramtohul. Mais, j’arrive à me défendre. C’est quelque part une réaction féministe », souligne Anshika, en Form IV au collège GMD Atchia, à Port-Louis. Ado tonique et résolument dans son temps, à 13 ans, les vocations se bousculent dans sa tête : le droit le dispute au journalisme. De la même manière, lorsqu’il en vient aux activités extrascolaires, tantôt, on peut la retrouver sur ses patins à roulettes sur le parking d’un supermarché, tantôt sur le dos d’un cheval et le soir, les yeux rivés sur une série bollywoodienne. « Mais, je me fais un devoir de me mettre au lit avant 21 heures, car le lendemain, il faut être debout à 5 heures pour l’école. » Même si elle passe le plus clair de ses journées dans la capitale, elle essaie de ne pas succomber à la culture urbaine. « J’aime la tranquillité de Grand-Gaube, qui est propice à la lecture, la réflexion et surtout l’air non-pollué. Puis, j’aime ma famille et tout ce qu’elle m’apporte », poursuit Anshika. Toute petite, elle regardait son père écrire, soit un livre soit un projet pour un film. « Bien entendu, il a été ma première influence. C’est lui qui m’a demandée de m’inscrire pour un petit film pour l’Icac. Ma passion pour l’écriture et l’image vient de là. » Le tournage de « Rescaper » a pris deux jours, d’abord dans la cour de son collège et au Champs-de-Mars, puis à son domicile. « À aucun moment, je n’ai eu à la diriger », explique Ajay Ramphul. Sa fille paraissait naturellement dans son élément. « D’ailleurs, je n’ai jamais pratiqué ‘le spoon feeding’ à l’égard de mes deux filles », affirme notre interlocuteur. Depuis le lancement du concours de courts-métrages inter-collèges et une présélection, chaque soir, MBC 3 diffuse une entrée parmi les quarante et une. « Il y a de la concurrence, mais en même temps, je me suis rendue compte que les jeunes mauriciens sont talentueux, il suffit de leur donner l’occasion pour qu’ils s’expriment. Certaines entrées sont inspirées par les réalités quotidiennes dans des collèges, comme le ‘bullying’ Chaque soir, je suis agréablement surprise », avoue-t-elle. Toujours sur les traces de son père, Anshika a écrit son premier roman en 2015, un conte de fées intitulé « Adventure with the Mermaids », qu’elle destine aux petits. Cet ouvrage de 50 pages, imprimé aux États-Unis, devrait paraître en novembre. Il vient aussi rappeler qu’elle a su garder en elle un cœur d’enfant, capable de s’émerveiller dans le monde fantastique, par contraste aux sujets ‘brûlants’, réservés aux adultes. « Je crois que chaque adulte doit avoir en lui une certaine dose d’innocence, de spontanéité et un regard neuf sur la vie, sinon on devient vite blasé », fait-elle valoir.