Actes de violence à La Citadelle, samedi dernier : onze suspects arrêtés, une vingtaine d’autres déjà identifiés

Après les scènes de violence au Gran Konser Solider de La Citadelle, la police a procédé à de nouvelles arrestations, portant à onze le nombre total de personnes appréhendées. Les enquêteurs ont aussi dressé une liste d’une vingtaine d’autres suspects.

Les scènes de terreur et les actes de violence qui ont interrompu le Gran Konser Solider organisé par La Isla Social Club et le groupe hôtelier Attitude samedi soir à La Citadelle ne resteront pas impunis. Après deux premières arrestations dimanche, neuf autres présumés fauteurs de troubles ont été appréhendés le lundi 23 octobre 2023. Les enquêteurs de la Major Crime Investigation Team, dirigés par le surintendant de police Ghoora, ont également dressé une liste d’une vingtaine d’autres suspects qui seront interpellés prochainement. 

Les individus mis hors d’état de nuire lundi seront traduits en justice ce mardi pour leur mise en inculpation provisoire. Six d’entre eux ont été arrêtés lors d’opérations ciblées menées dans la matinée par la Police Headquarters Special Striking Team, la Flying Squad et l’Anti-Drug and Smuggling Unit de Rose-Hill, dirigés par les assistants surintendants de police Ashik Jagai et Bahadoor, ainsi que par le chef inspecteur Ramsawmy. 

Il s’agit de Sooltan S., 50 ans, de Ramatoolah H., 43 ans, d’Azim et de Djibrail M., âgés respectivement de 21 et 23 ans, de Raeez S., 38 ans, ainsi que d’Ajmal I., 23 ans. Tous habitent des faubourgs de Rose-Hill. Les trois autres suspects ont, eux, été arrêtés par l’escouade de l’inspecteur Lullith de la Criminal Investigation Division de Port-Louis. Il s’agit des dénommés Ally H., 27 ans, de Zameer B. et d’Irfaan M. 

Les deux premiers suspects arrêtés  dimanche à Port-Louis sont Imteeaz Tourabaly, âgé de 38 ans et Train Captain de Metro Express Limited, et Anfaal Khodadin, âgé de 35 ans et originaire de Vallée-Pitot. Ils ont été présentés devant le tribunal de Port-Louis lundi et ont été provisoirement inculpés de « damaging property by band et d’unlawful gathering ». 

Anfaal Khodadin fait également l’objet d’une accusation provisoire de « bearing offensive weapon ». Au moment de son arrestation, il avait en sa possession une arme tranchante. 

C’est grâce aux enregistrements des caméras du réseau Safe City que les suspects ont été retracés. La plupart n’étaient pas masqués. Si certains ont, durant leurs interrogatoires respectifs, avoué leur présence sur le lieu des incidents, ils ont toutefois nié avoir saccagé les instruments des artistes. Tous seront confrontés aux images des caméras de vidéosurveillance prouvant leur présence à cet événement musical. 

C’est peu après 21 h 30 samedi que des agents du poste de police de Trou-Fanfaron ont reçu des informations selon lesquelles des individus s’apprêtaient à semer le trouble à ce concert. Des policiers, dirigés par un assistant surintendant, sont intervenus. Cependant,des agents de sécurité auraient refusé l’accès aux policiers. 

Mais ces derniers auraient insisté avant de finalement pouvoir pénétrer à l’intérieur du site. Ils ont aussitôt demandé à l’organisateur de mettre fin à l’événement. À ce moment précis, l’entrée principale de La Citadelle était ouverte. Un camion de l’organisateur était déjà été mobilisé pour que le matériel puisse être chargé. 

Mais il était trop tard. Les fauteurs de troubles ont pris au dépourvu les videurs et les policiers présents. Certains, armés de bâtons et encagoulés, ont mis brusquement fin à ce concert qui s’est joué à guichets fermés. L’argent récolté après la vente des billets est d’ailleurs destiné à être versé aux associations Vent d’un Rêve, Terre de Paix, Alphabétisation de Fatima et Caritas Grand Gaube.

Sur scène comme dans la foule, la panique a pris le pas sur la joie et l’euphorie. Spectateurs et artistes étaient terrifiés. Des agresseurs ont pris place sur le podium pour saccager des instruments. « Zot pa pe trouve ki pe arive dan le mond. Sorti la ale. Isi Plaine-Verte. Sorti la ale. Deor! Deor! », ont scandé certains des assaillants se disant préoccupés par la situation qui prévaut actuellemnt en Palestine. 

Les policiers, dépassés par cet excès de violence, ont tenté d’intervenir. Certains membres du public déplorent le fait que les agents des forces de l’ordre et les vigiles n’étaient pas suffisamment nombreux face à ces fauteurs de troubles. 

« ‘Bann lapolis la kouma pe les sa ? Lapolis ti an souzefektif fas a enn group koumsa’. Ils n’étaient pas capables de réagir vu le nombre d’assaillants qui x’étaient évidemment préparés pour cette attaque », avance  un des  spectateurs. Puis il a ajouté : « Ce soir, je ressens tellement de colère par rapport à ce que j’ai vu et entendu, mais aussi tellement de tristesse pour mon pays. »

Après l’attaque, les assaillants, qui se sont regroupés, ont quitté La Citadelle à pied sans être inquiétés par la police, qui a surtout préféré assurer la sécurité du public. Fort heureusement, aucun blessé n’est à déplorer. 

Shiva Coothen : «Des inculpations en vertu de la Prevention of Terrorism Act ne sont pas à écarter»

Depuis les incidents survenus à La Citadelle, les descentes policières se multiplient. L’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office, indique que les suspects seront appelés à faire face à un procès. « Ils ont été provisoirement inculpés de ‘damaging proprety by band’, mais il n’est pas à écarter qu’il y ait aussi des inculpations en vertu de la ‘Prevention of Terrorism Act’ et même d’entente délictueuse », ajoute-t-il. L’inspecteur explique que des policiers étaient déjà sur place pour veiller au bon déroulement du concert. Il estime toutefois que les agents de sécurité engagés pour l’événement n’avaient nullement le droit d’interdire l’accès aux forces de l’ordre. « Nou finn fer nou lintervansion. Sa insidan inn pase kelke minit avan la fin konser la. Laport ti deza ouver. Ena dimounn ki ti pe ale. Lerla sa group la inn rantre », explique l’inspecteur. 

Décision du tribunal de Port-Louis

Imteeaz Tourabaly et Anfaal Khodadin restent en détention 

Ils ont été interpellés dans le cadre de l’enquête sur des incidents survenus à La Citadelle, le samedi 21 octobre 2023. Mohammad Imteeaz Tourabaly et Mohammad Anfaal Khodadin ont été traduits, lundi, devant le tribunal de Port-Louis. La police a objecté à leur remise en liberté sous caution. Ils ont été reconduits en cellule policière après leur comparution devant la justice, le lundi 23 octobre 2023. Mohammad Imteeaz Tourabaly, un Portlouisien de 38 ans, et Mohammad Anfaal Khodadin, un habitant de Vallée-Pitot de 35 ans, avaient été arrêtés après des incidents survenus dans la soirée du samedi 21 octobre 2023 lors du « Gran Konser » à La Citadelle. Les deux hommes sont arrivés à la New Court House sous forte escorte policière. On comptait des limiers de la Major Crimes Investigation Team (MCIT) et des éléments de la Special Supporting Unit (SSU). Ils n’ont pas emprunté l’entrée principale, mais la porte de derrière pour accéder à la salle d’audience. Mohammad Anfaal Khodadin fait face à trois accusations provisoires : « damaging property by band », « taking part in an unlawful assembly » et possession d’armes. Il a retenu les services de Me Inas Sambon. Mohammad Imteeaz Tourabaly fait, lui, l’objet de deux accusations provisoires : « damaging property by band » et « taking part in an unlawful assembly ». Il est défendu par Me Arshaad Inder. La police leur reproche d’avoir endommagé des instruments de musique. Mohammad Anfaal Khodadin est aussi accusé d’avoir été en possession d’un couteau, le 22 octobre 2023. 

À leur comparution devant la magistrate Shavina Jugnauth, le Police Prosecutor, le sergent Thakoor, a soutenu que les deux prévenus ne peuvent de quitter le pays et qu’il s’opposait à leur remise en liberté sous caution. Trois points d’objection sont avancés : le risque d’interférence avec des témoins ; la manipulation des preuves et leur sécurité et celle du public. 

Une motion pour leur remise en liberté sous caution a été présentée et sera débattue le 27 octobre 2023. Les deux suspects ont été ensuite reconduits en cellule policière. 

Reza Uteem, député du MMM : «La police aurait dû être immédiatement sollicitée»

Reza Uteem, député du Mouvement Militant Mauricien condamne fermement ces actes de violence. Néanmoins, il soulève des questions concernant l’intervention de la police lors de cette soirée. La Citadelle se situe entre les postes de police de Vallée-Pitot et de Pope Hennessy. « La position géographique de La Citadelle aurait dû entraîner une réponse immédiate des policiers», précise-t-il. 

Reza Uteem s’est ensuite demandé comment « un petit groupe de personnes a-t-il pu semer la terreur pendant une période prolongée sans que la police n’intervienne ». Il a toutefois mis en garde contre « les amalgames hâtifs », soulignant que « les actions d’un petit groupe ne devraient pas remettre en question la tolérance et l’harmonie sociale ».

Shakeel Mohamed, député du PTr : «Incompétence policière ou refus d’intervenir ?»

Le député du Parti travailliste (PTr), Shakeel Mohamed, révèle qu’il est en possession de deux documents de la police, datés du dimanche 22 octobre, qui révèlent que les autorités avaient connaissance, dès 19 h 15, de la menace d’une intrusion d’un groupe à La Citadelle. Interpellé par ces informations, il s’interroge sur les actions entreprises par les forces de l’ordre entre 19 h 15 et 21 h 10. 

Selon Shakeel Mohamed, le premier document indique que « la police n’était pas présente sur les lieux au moment des incidents ». Le second document, quant à lui, atteste que « les forces de l’ordre étaient effectivement sur place ». « Cette contradiction suscite des interrogations. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette affaire », souligne-t-il. 

Shakeel Mohamed poursuit en soulignant que si la police avait connaissance de la menace depuis 19h15, pourquoi aucune mesure préventive n’a été prise pour éviter les incidents. « Il existe seulement deux explications plausibles : l’incompétence ou le refus d’intervenir des forces de l’ordre», dit-il. 

Shakeel Mohamed suggère « la possibilité d’une collusion entre les services de sécurité du concert et les individus impliqués dans l’incident ».

Réactions des ONG  concernées :

Alain Muneean de Terre de Paix : «Pas de mots pour qualifier cette lâcheté»

« Je me sens mal, très mal… », se désole Alain Muneean, le directeur de Terre de Paix et membre de l’association Abaim. « C’est quelque chose d’inimaginable le sol mauricien dans la conjoncture actuelle et de par la nature du concert. « Kouma dir inn atak enn inosan. Il n’y a aucune raison pour justifier ce qui s’est produit samedi soir à La Citadelle. Nous condamnons ces attaques injustifiées et gratuites. C’est une attaque profonde sur le cœur de notre pays. Nous démontrons notre solidarité et soutien aux victimes. Mais en même temps, nous devons prier afin que cela ne se reproduise plus. Il n’y a pas de mots pour qualifier cette lâcheté », souligne-t-il.

L’ONG ‘Vent d’un rêve’ : «Désolant et très grave»    

« Ce qui s’est produit samedi soir à Port-Louis est non seulement désolant, mais très grave. L’incident est tout à fait malheureux », déplore-t-on.

« Regrettable », selon l’Association d’Alphabétisation de Fatima

« Notre école était représentée par trois de nos enseignants. Nous étions sur place, nous étions sous le choc et effrayé à un certain moment. Les images sont encore vivaces. C’était la panique. Ce qui s’est produit est regrettable ».

Zanique de ‘Caritas de Grand-Gaube’ : «Les fonds étaient pour notre boutique alimentaire»

« Le groupe Attitude voulait nous aider à travers ce concert. Les fonds étaient destinés pour notre boutique alimentaire qui a pour but d’aider les habitants de Grand-Gaube », fait comprendre Zanique de ‘Caritas de Grand-Gaube’. L’intervenante « condamne ces incidents. Nous sommes d’ailleurs sous le choc depuis samedi », laisse-t-elle entendre.