Les esclaves ont débarqué à Maurice sous la colonisation hollandaise et pendant les occupations française et britannique. Durant leur contribution au développement du pays, ils ont laissé leurs empreintes dans certains lieux. Focus sur ces sites 188 ans après l’abolition de l’esclavage en ce mercredi 1er février.
Marché des Esclaves : quand l’histoire orale se livre
Le Marché des Esclaves est désormais patrimoine national. Selon le National Heritage Fund (NHF), la tradition orale recueillie en 2013 indique que c’était sous un arbre situé sur ce site que les esclaves étaient vendus. Des personnes réduites en esclavage étaient amenées sur le site pour être vendues aux maîtres.
Les résidences des esclaves dits « Noirs de Commune » se trouvaient à proximité. Ces esclaves travaillaient pour le gouvernement. Certains ont été donnés par des particuliers qui étaient tenus par la loi de fournir des esclaves pour les travaux publics.
Les travaux des Noirs de Commune consistaient en la réparation et la construction de routes, de ponts et d’édifices publics. L’un de leurs premiers projets fut la route reliant Port-Louis à Pamplemousses, construite sous le gouverneur Labourdonnais et le canal qui alimentait le Jardin botanique et qui puisait son eau dans la rivière Pamplemousses (Canal de Villebague).
En 1799, il y avait quelque 21 esclaves appartenant à des particuliers mais travaillant pour la Commune et utilisés dans divers projets de travaux publics.
Bassin des Esclaves : nouveau site classé patrimoine national
Le 20 janvier, le Bassin des Esclaves a été désigné patrimoine national. Le NHF indique qu’au 18e siècle, numériquement parlant, les esclaves constituaient un important groupe au village de Pamplemousses. Aujourd’hui encore, la présence des esclaves se fait sentir dans le village.
L’ancien plan du village montre qu’il existe un dessin en forme de carré, connu sous le nom de place du Bourg qui, selon certains historiens, pourrait être le Bassin des Esclaves. Selon l’histoire orale, les esclaves y étaient amenés et lavés avant d’être mis en vente par lots de 200 ou 300. D’autres sources orales rapportent cet endroit comme un lieu de baignade public où les esclaves venaient se baigner après leur journée de travail.
Jusque dans les années 1950, un robinet était présent ainsi que des canalisations où l’eau était évacuée dans la rivière. Celle-ci était vidée pour éviter la reproduction des moustiques lors des campagnes d’éradication du paludisme.
L’ancien Hôpital Militaire converti en musée intercontinental de l’esclavage
L’ancien Hôpital Militaire est classé patrimoine national depuis 1999. Il a été choisi pour abriter le musée intercontinental de l’esclavage. Aussi connu comme l’hôpital Labourdonnais, il a été le premier grand bâtiment construit par Mahé de Labourdonnais. Il fait partie de la zone tampon de l’Aapravasi Ghat, patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le bâtiment est situé entre les principaux sites de débarquement des personnes mises en esclavage à l’époque de la traite légale, explique Stephanie Tamby Lai, Head Research au musée intercontinental de l’esclavage. Le gouverneur Mahé de Labourdonnais avait commencé la traite négrière à grande échelle avec le Mozambique. Il ambitionnait de construire le siège de l’empire colonial français dans le sud-ouest de l’océan Indien à l’île Maurice. À l’ancien Hôpital Militaire étaient soignés des marins français, des esclaves africains et malgaches, des esclaves indiens, des artisans et des marins. Nombreux y sont morts. Il a été construit à une période où il n’y avait pas la main-d’œuvre qualifiée pour entreprendre ce genre de travaux, d’où la nécessité de faire venir des esclaves de Mozambique, de Madagascar et des ouvriers du Sud de l’Inde.
Une exposition sur le Code Noir
Le musée intercontinental de l’esclavage présentera une exposition au public sur le Code Noir à partir du 23 février. Elle est organisée dans le cadre de la commémoration de l’abolition de l’esclavage et le tricentenaire de la promulgation du Code Noir. L’exposition sera visible sur un mois. « Conçu par Jean Baptiste Colbert, le Code Noir est le titre donné à l’Édit royal promulgué en mars 1685 par Louis XIV destiné aux Antilles. Il vise à donner un cadre juridique au système esclavagiste dans les colonies françaises. Ce Code Noir sera amendé et promulgué par Louis XV sous forme de lettres patentes en 1723 pour les Isles de France et de Bourbon à l’époque où l’île était administrée par la Compagnie des Indes. »
Le Morne Brabant : un lieu sacré
Stephanie Tamby Lai fait savoir que tout au long du 18e et au début du 19e siècle, la montagne du Morne a servi d’abri pour les esclaves marrons. Protégés par les falaises isolées, boisées et presque inaccessibles de la montagne, les esclaves en fuite ont formé de petites colonies dans les grottes et au sommet du Morne.
Les traditions orales associées aux marrons ont fait du Morne un symbole de la lutte des esclaves pour la liberté, de leurs souffrances et de leur sacrifice, qui ont tous une pertinence pour les pays d’où viennent les esclaves – le continent africain, Madagascar, l’Inde et l’Asie du Sud-Est. En effet, l’île Maurice, étape importante de la traite négrière orientale, est également connue sous le nom de « République marronne » en raison du grand nombre en fuite qui vivaient sur la montagne du Morne.
Selon les traditions orales, les esprits des marrons errent encore sur la montagne. Des rituels de pacification, notamment par la communauté rastafari, sont menés afin que ces esprits reposent en paix. Ceci est considéré comme un lieu sacré, qui joue un rôle central en tant que marqueur identitaire de la communauté créole.
Le site du Morne a été déclaré patrimoine national en janvier 2006 et a été inscrit sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO en juillet 2008.
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