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3 000 Bangladais portés disparus à travers l’île

Le plus gros contingent d’ouvriers disparus est issu de l’usine textile Firemount, à Pointe-aux-Sables.

Un nombre record de cas de disparitions a été signalé aux autorités policières depuis le début de l’année. Près de 300 ont abandonné leurs postes rien qu’à l’usine Firemount. Le ministère du Travail annonce des modifications à la loi pour endiguer le phénomène et des poursuites contre ceux qui les emploient au noir. 

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C’est une situation inédite. Près de 3 000 ouvriers bangladais ont été rapportés manquants par leurs employeurs depuis le début de l’année. Le phénomène a pris de l’ampleur avec la fermeture des frontières mauriciennes en raison de la Covid-19 l’an dernier, aucun vol pour les ramener dans leur pays n’étant disponible. Des dizaines de cas sont ainsi rapportés chaque semaine aux quatre coins de l’île, leurs employeurs signalant tout simplement être tombés sur des dortoirs vides.

Le plus gros contingent d’ouvriers disparus est issu de l’usine textile Firemount, à Pointe-aux-Sables. Ils sont plus de 300 à avoir décidé de tenter leurs chances chez d’autres employeurs en raison du salaire qu’ils perçoivent chez ce spécialiste du denim pour de grandes marques américaines et européennes. « Nous avons signalé 550 cas de disparition depuis 2017. 37 travailleurs ont été déportés. Ils préfèrent travailler ailleurs pour gagner plus », confie un porte-parole.

« Ici, ils perçoivent le salaire minimum et un bonus de présence de 10 %. Avec les heures supplémentaires, ils peuvent s’attendre à toucher entre Rs 12 000 et Rs 15 000 par mois », explique ce cadre. Firemount emploie 2 200 Bangladais sur un total de 3 400 ouvriers et ne cesse de dénoncer les sociétés qui débauchent leurs salariés. « Jusqu’ici rien n’a été fait pour remédier à la situation. Nous nous sommes rendu compte que les Bangladais mettent les voiles, passé un délai de quatre ans », dit-il.

« Ceux qui ont entre cinq et six ans d’expérience tentent des débouchés dans le secteur de la construction, par exemple. Depuis l’an dernier, nous n’offrons que des contrats non renouvelables ne dépassant pas trois ans », poursuit le porte-parole de Firemount. « Si un ouvrier prend la clé des champs, c’est parce qu’il est victime de maltraitance ou qu’il est mal payé. Il préfère alors travailler comme maçon pour Rs 1 500 au quotidien. Il a aussi une famille restée au pays à nourrir », indique un membre du Passport and Immigration Office (PIO).

Salaire de Rs 15 000

« C’est trop facile de dire qu’un Bangladais a été porté disparu. Une telle plainte pousse alors la police à le considérer comme un étranger en situation irrégulière. Il faut savoir que beaucoup de Bangladais sont leurrés à Maurice pour un salaire mensuel de Rs 15 000. Lorsqu’ils débarquent, ils se retrouvent avec le salaire minimum avec les déductions sur la nourriture et le logement. Ils sont tout bonnement exploités, maltraités et sous-payés », s’insurge le syndicaliste Faizal Ally Beegun. Ce dernier ajoute : « Nombreux sont ces ouvriers qui ont contracté des dettes d’au moins Rs 400 000 pour venir travailler à Maurice. Quand ils se rendent compte qu’ils ont été bernés et le montant des salaires octroyé aux Mauriciens pour un travail similaire, ils vont tout faire pour tenter de rembourser leurs dettes et se faire un petit pactole, quitte à travailler au noir dans une boulangerie, un chantier ou une plantation, même s’ils sont conscients qu’ils ne pourront plus remettre les pieds dans l’île ».

« Dans la boulangerie et la construction, un Bangladais peut obtenir plus de Rs 1 000 par mois. Bien évidemment il cherche son avantage. Il peut aussi prendre de l’emploi comme laveur de voitures ou comme peintre durant son temps libre. Ceux qui travaillent actuellement au noir se démènent comme de beaux diables jusqu’à ce qu’ils soient rattrapés par la ‘Tracking Team’ de la PIO. Celle-ci gagnerait à déterminer pourquoi ces ouvriers ont subitement décidé d’abandonner leurs employeurs », plaide le syndicaliste. 

Des dizaines de cas sont rapportés chaque semaine, leurs employeurs signalant tout simplement être tombés sur des dortoirs vides.

« C’est faux de dire que les Bangladais ne savent pas combien ils vont toucher. C’est écrit noir sur blanc sur les contrats vérifiés par le ministère du Travail », répond un membre de la direction de Firemount. Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn abonde dans le même sens et annonce une série de mesures pour endiguer ce phénomène. Entre autres, les individus ou sociétés employant des étrangers au noir feront l’objet de poursuites au pénal.

Tout laisse penser aux autorités qu’il y a un réseau composé de Bangladais mariés à des Mauriciennes qui agissent comme des agents auprès des entrepreneurs du secteur agricole et du bâtiment, entre autres, pour débaucher leurs compatriotes travaillant dans des usines textiles. Avec le nombre record de Bangladais en situation illégale, les autorités ne savent pas où les mettre en détention lorsqu’ils seront arrêtés, notamment en l’absence de vols vers le sous-continent indien.

Une demi-douzaine de Bangladais interpellée par le « Tracking Team » en janvier est au centre de détention du Chaland, au Sud. Il devra, selon toute vraisemblance, être embarqué sur un avion à ce dimanche 30 mai. Dix de leurs compatriotes ont été interpellés il y a quelques jours dans une plantation d’ananas à Camp-de-Masque-Pavé. Le mot d’ordre a, cependant, été donné à la police d’y aller mollo avec ces cas de disparitions au vu de l’absence d’infrastructures pour les détenir.

« Nous allons lancer une campagne de conscientisation visant les Bangladais. Il faut qu’ils sachent que du moment qu’ils seront interpellés par la ‘Tracking Team’, il n’y a pas de retour possible », fait ressortir Soodesh Callichurn. Parmi les amendements à la loi, les billets de retour pourraient être à leurs frais. Des discussions ont déjà été entamées avec la Haute Commission du Bangladesh pour remédier à cette situation.

Une amnistie avait été brandie pour ceux actuellement en situation illégale, mais l’Hôtel du Gouvernement ne veut pas donner l’impression de tolérer cette pratique. Quand un ouvrier abandonne son poste, il ne dispose pas de billet de retour, son employeur officiel refusant de le financer. Étant donné que c’est l’État qui est appelé à endosser cette responsabilité, la loi sera modifiée d’ici la fin de l’année afin que les ouvriers aient à payer eux-mêmes leur retour au pays.

Abri Destiné aux ouvriers étrangers

D’ici peu, le ministère du Travail envisage d’ouvrir un abri destiné aux ouvriers étrangers victimes d’abus et de maltraitance. Il sera alors question de les canaliser vers d’autres secteurs d’activité sujets à une pénurie de main-d’œuvre. « Les Bangladais sont au courant du contenu de leur contrat. Mais, sur place, ils trouvent plus profitable de travailler chez un concurrent qui leur propose jusqu’à Rs 1 200 par jour », souligne un inspecteur du ministère du Travail.

Le nombre inquiétant de « missing » est suivi de près par la Haute-Commissaire du Bangladesh, Rezinah Ahmed. « Si quelqu’un se trouve dans l’illégalité, il doit être déporté. C’est la loi. Il faut la respecter », dit-elle. Au cas contraire, telle la fermeture d’une usine, des redéploiements sont négociés afin que les ouvriers ne se retrouvent pas dans une situation intenable. En ce qu’il s’agit des cas de maltraitance, elle précise qu’ils proviennent surtout des petites sociétés.

 

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