Le paiement du 14e mois, promesse phare de l’Alliance du Changement, suscite un vif débat parmi les syndicalistes et les travailleurs. Si l’enthousiasme est palpable, des inquiétudes quant aux modalités de mise en œuvre persistent.
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Jane Ragoo de la CTSP exprime des craintes concernant les critères d’éligibilité. « Lors de la campagne, il n’a jamais été question d’exclure les salariés gagnant plus de Rs 50 000. Or, des rumeurs circulent sur un tel plafond », déplore-t-elle. Cela pénaliserait particulièrement les femmes qui travaillent dans le secteur des services, où les salaires dépassent souvent cette somme, fait-elle ressortir. « Beaucoup de femmes, en particulier dans le secteur des services, touchent plus de Rs 50 000 et se retrouveraient donc exclues de ce 14e mois. C’est injuste ! » s’indigne-t-elle.
De son côté, Narendranath Gopee, secrétaire général de la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), indique que lors d’une rencontre avec le ministre du Travail, Reza Uteem, le mardi 3 décembre, « [il] nous a expliqué que le 14e mois sera un ‘stand-alone payment’ pour 2024 ». La proposition a été faite au ministre de présenter une régulation sous le End-of-Year Gratuity Act pour le paiement. « Ainsi, il ne faudra pas passer par le Parlement. Le ministre nous a expliqué qu’il y a un comité qui travaille sur une loi qui sera présentée au Parlement. Une fois votée, cela deviendra une obligation de payer le 14e mois », précise Narendranath Gopee.
Cependant, Narendranath Gopee met en garde contre les risques financiers que pourrait engendrer cette mesure, notamment pour les petites entreprises. Il suggère qu’une évaluation des capacités financières des entreprises soit réalisée : « Certaines entreprises ne sont pas en mesure de payer un 14e mois à leurs employés. Reste à savoir comment le gouvernement honorera cet engagement. »
Bien qu’il s’agisse d’un paiement unique pour cette année, la CTSP compte ouvrir des discussions avec le gouvernement pour l’avenir, fait savoir Jane Ragoo. « Nous sommes prêts à discuter de cette mesure, et il faut commencer à planifier pour les années à venir. Nous proposons que le 14e mois soit 1/8 du total des gains annuels, au lieu de 1/12 », suggère-t-elle.
Pour la syndicaliste, le 14e mois pourrait offrir un soulagement temporaire à ceux qui en bénéficieront, surtout dans le contexte économique actuel où la hausse des prix affecte le pouvoir d’achat des Mauriciens : « La compensation salariale doit aller de pair avec ce paiement. Nous avons déjà fait notre proposition, qui est de Rs 740 pour ceux au bas de l’échelle. Nous attendons maintenant la tenue de la réunion tripartite. »
Radhakrishna Sadien, président de la State Employees Federation, critique, lui, l’idée de donner un 14e mois à certains travailleurs ayant des revenus élevés, estimant qu’il serait plus pertinent de se concentrer sur les classes moyennes et les salaires minimaux, qui souffrent le plus de l’inflation. Du reste, pour lui, l’ajustement salarial devrait être la priorité, évoquant une distorsion importante dans les secteurs public et privé, surtout après la révision du salaire minimum.
Ainsi, selon lui, les travailleurs ayant plusieurs années d’expérience devraient bénéficier d’un salaire plus élevé que celui des nouveaux entrants sur le marché du travail. « Le 14e mois, bien qu’il soit une bonne initiative, ne doit pas être la seule mesure. Ce qu’il faut, c’est un ajustement salarial plus équitable pour tous, surtout avec l’augmentation du coût de la vie. Un paiement ponctuel du 14e mois ne suffira pas à combler les inégalités salariales existantes. La solution est d’appliquer le réajustement des salaires », plaide-t-il.
Le président de la State Employees Federation met également en garde contre l’illusion monétaire. « Le paiement du 14e mois, si permanent, devra être discuté plus en profondeur pour éviter qu’il ne devienne une simple illusion monétaire », pense-t-il.
Reeaz Chuttoo prévient contre « une discrimination constitutionnelle »
Le 14e mois pourrait-il ne pas être applicable aux employés dont le salaire est supérieur à Rs 50 000 ? Pour Reeaz Chuttoo, porte-parole de la Confédération des travailleurs des secteurs privé et public (CTSP), il est hors de question que les salaires dépassant Rs 50 000 soient exclus. « Ce serait une discrimination constitutionnelle », déplore-t-il.
Il propose, dans cette éventualité, d’accorder un montant maximum de Rs 50 000 aux employés dont le salaire dépasse Rs 50 000. « Une personne qui touche un salaire de Rs 75 000 bénéficiera ainsi d’un 14e mois de Rs 50 000, par exemple », explique-t-il.
Bien que la formule pour le 14e mois n’ait pas encore été avancée, Reeaz Chuttoo fait comprendre que l’idée initiale était que cela soit payé à ceux qui ont subi une hausse de l’inflation. Dans ce même ordre d’idées, le porte-parole de la CTSP indique que ceux qui touchent un salaire supérieur à Rs 50 000 n’ont pas été épargnés par l’inflation.
Workers’ Right Act 2019
Prime de fin d’année (article 54)
(1) (a) Lorsqu’un travailleur reste au service continu d’un employeur pendant tout ou partie d’une année et chez le même employeur au 31 décembre de l’année, il a droit au paiement d’une prime équivalant à un douzième de ses revenus pour cette année.
La prime prévue au paragraphe (a) est versée par l’employeur de la manière suivante :
(i) une somme s’élevant à 75 % de la prime prévue au paragraphe a) est versée au travailleur au plus tard cinq jours ouvrables francs avant le 25 décembre de l’année en question
(ii) le solde lui est versé au plus tard le dernier jour ouvrable de la même année.
Dans le présent article, on entend par « Worker » : une personne percevant un salaire mensuel de base ne dépassant pas Rs 100 000.
Entre espoir et mécontentement
Richard T., un employé du secteur privé, voit dans le paiement du 14e mois une opportunité de soulager ses finances. « Le 14e mois est un engagement du gouvernement et j’espère qu’il tiendra sa parole », déclare-t-il. Cette somme serait une aide bienvenue pour économiser et se prémunir contre d’éventuels imprévus, notamment dans un contexte où le coût de la vie est en constante augmentation, explique-t-il. « Ce paiement m’aidera à mettre un peu d’argent de côté, car ce n’est pas facile avec les prix qui flambent. Ce serait un soulagement. »
Tania, une employée du secteur privé, exprime son mécontentement face à ce qu’elle considère comme des promesses non tenues. « L’Alliance du Changement savait que les finances étaient à sec, mais ils ne savent pas comment honorer ces promesses. De nombreuses personnes comme moi ont déjà fait des plans depuis que cette annonce a été faite », lance-t-elle, déçue par l’incertitude qui règne autour de cette mesure.
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